Hospitalisation pour péril imminent : tout faire pour prévenir un proche

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La Cour de Cassation a confirmé la mainlevée d’une mesure de soins sous contrainte pour péril imminent, estimant que l’information de la famille avait fait défaut. Retour sur le cadre législatif et son application.

Il existe depuis 2011, plusieurs voies d’entrée en soins psychiatrique sous contrainte. L’une des plus problématiques est sans doute celle qui oblige un directeur d’établissement à admettre en observation un patient qui se trouve en situation de « péril imminent » (Art. L. 3212-1-II 2° du Code de la santé publique). Le législateur a instauré cette prise en charge dérogatoire du droit commun afin de permettre d’accueillir les malades en urgence lorsqu’il s’avère impossible d’obtenir préalablement une demande de tiers (faute de tiers connu ou de tiers demandeur). Il suffit pour cela qu’un médecin extérieur à l’établissement rédige un certificat contenant trois points : troubles mentaux rendant impossible le consentement de la personne, état mental imposant des soins immédiats assortis d’une surveillance médicale (constante dans un premier temps) et existence, à la date d’admission, d’un péril imminent pour la santé de la personne. Dans ce cas, le directeur est en situation de compétence liée (1) et doit, dans un premier temps, admettre le patient en observation pour 72 heures. Dans un second temps, si l’état de ce dernier l’impose, il prolonge la mesure de contrainte conformément à la proposition faite par un psychiatre de son établissement (art. L. 3211-2-2° du CSP). Concrètement, le patient est alors maintenu en hospitalisation complète sous contrainte ou placé en programme de soins.

Afin de garantir au mieux les droits du patient, la loi oblige à agir dans la plus grande transparence. Le chef d’établissement doit ainsi immédiatement informer le préfet et la commission départementale de soins psychiatriques (art. L. 3212-5° CSP). Il est également tenu de faire son possible pour contacter un proche du patient. L’article L. 3212-1-II 2° du Code de la santé publique impose en effet que « dans ce cas [suite à une hospitalisation sans tiers demandeur], le directeur de l’établissement d’accueil informe, dans un délai de vingt-quatre heures sauf difficultés particulières, la famille de la personne qui fait l’objet de soins et, le cas échéant, la personne chargée de la protection juridique de l’intéressé ou, à défaut, toute personne justifiant de l’existence de relations avec la personne malade antérieures à l’admission en soins et lui donnant qualité pour agir dans l’intérêt de celleci ». Le fait de parvenir à contacter un proche ne modifie pas la mesure et ne transforme pas ce proche en tiers. Cela permet uniquement à ce dernier de saisir le juge des libertés et de la détention s’il estime que la contrainte est injustifiée. Il s’agira alors souvent de faire constater qu’au moment de l’hospitalisation, le patient n’était pas en situation de péril imminent, autrement dit qu’il n’existait aucun risque pour sa vie à très court délai.

Cette obligation de transparence à la charge de l’établissement n’est pas aisée à satisfaire. Elle constitue cependant un élément important de cette procédure d’exception. La Cour de Cassation précise qu’il s’agit d’une formalité substantielle dont le non-respect justifie la mainlevée de la mesure de contrainte (Cour de Cassation, 1re Civ, 18 décembre 2014, n° 13-26816) : « Attendu qu’après avoir relevé qu’aucun élément du dossier de la patiente ne permettait de retenir que son mari avait été avisé de son hospitalisation en soins psychiatriques pour péril imminent, qu’en l’état du conflit ancien et profond existant entre les deux époux, un tel avis n’aurait pu satisfaire aux exigences de l’article L. 3212-1, II, alinéa 2, du code de la santé publique et que, dans ces circonstances, le directeur de l’établissement hospitalier aurait dû informer les parents de Mme X…, aptes à agir dans l’intérêt de celle-ci ; c’est à bon droit qu’en l’absence de toute information de la famille de l’intéressée, le premier président a ordonné la mainlevée immédiate de la mesure ».

Cette affaire est révélatrice des difficultés pratiques rencontrées sur le terrain. À son arrivée, la patiente s’était vu retirer son téléphone portable et n’avait donc pu contacter ses parents, qu’elle estimait être apte à agir dans son intérêt (Cour d’appel de Douai, 26 septembre 2013, n° 13/00050). Si non justifiée par une prescription médicale, cette pratique banale est non seulement juridiquement critiquable mais elle est attentatoire aux droits fondamentaux du patient.

Pour le juge judiciaire, le directeur a une obligation de moyens l’obligeant à repenser l’organisation de ses services et à tout faire pour contacter un proche bienveillant. Afin de satisfaire à cette obligation, il est important de rencontrer très rapidement le patient et, si son état le permet, lui demander de fournir les coordonnées de la personne qu’il souhaite prévenir. Il faut garder à l’esprit que le malade (même incapable de consentir aux soins) est le premier concerné par la mesure et ses suites. Prévenir son conjoint peut avoir des conséquences importantes surtout si le couple est en instance de divorce. En cherchant un équilibre entre le respect de la personne et la transparence, la loi multiplie les risques d’illégalité et donc contentieux. Un comble !

Éric Péchillon, Maître de conférences, Université de Rennes-1

1– Une compétence liée est un pouvoir que son détenteur est obligé d'utiliser, sans appréciation d’opportunité, à l’inverse du pouvoir discrétionnaire.