Accès au dossier médical du mineur

N° 215 - Février 2017
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Le législateur a défini précisément les conditions d’accès au dossier médical du patient mineur, en principe réservé aux détenteurs de l’autorité parentale. Les professionnels doivent cependant respecter aussi les droits du jeune mineur à être informé et à participer aux prises de décisions le concernant.

Qui peut accéder au dossier médical d’un patient mineur et dans quelles conditions ? Civilement « incapable » et présumé immature, le mineur ne peut directement exercer son droit d’accès, qui revient aux titulaires de l’autorité parentale (1). Adulte en devenir, le jeune n’en reste pas moins acteur de sa santé et conserve un certain contrôle sur les informations le concernant. Comme personne vulnérable, il convient donc de le protéger.

Le principe de l'autorité parentale

Le droit d’accès au dossier médical d’un mineur est, quel que soit l’âge du jeune patient, réservé aux titulaires de l’autorité parentale (1) ou, le cas échéant, à la personne qu’ils mandatent spécialement à cette fin (2). En règle générale, ce sont les père et mère de l’enfant qui disposent de l’autorité parentale mais chaque parent n’en est pas nécessairement titulaire. Il convient donc d’être particulièrement attentif à la qualité juridique du demandeur, en particulier lorsque le couple parental est séparé. Ainsi, un père naturel ayant reconnu l’enfant ne dispose pas forcément de l’autorité parentale (3). L’un ou les deux parents peuvent aussi avoir été déchus de cette autorité et être privés du droit d’accès au dossier de l’enfant (4). Réciproquement, le parent qui ne dispose pas de la garde de l’enfant, ou dont l’enfant a été placé, conserve son droit d’accéder à son dossier tant qu’il n’a pas été déchu de l’autorité parentale (5). Enfin, l’un des deux titulaires de l’autorité parentale ne peut s’opposer à ce que l’autre accède au dossier de l’enfant, aucune disposition législative ou réglementaire n’imposant que le second parent donne son accord, ni même soit averti de la demande de communication (6). Notons enfin que ce droit perdure en cas de décès du mineur.

Informations communicables. Substitués au mineur dans l’exercice de ses droits, ses représentants ont en principe accès à l’intégralité de son dossier, sans restriction a priori. Il faut néanmoins garder à l’esprit que les pièces communicables (7) sont celles qui, détenues par le professionnel ou par l’établissement de santé, « sont formalisées ou ont fait l’objet d’échanges écrits entre professionnels de santé (…), à l’exception des informations mentionnant qu’elles ont été recueillies auprès de tiers n’intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel tiers (2) ». Là encore, la séparation du couple parental doit inciter à la plus grande vigilance. Dans une telle hypothèse en effet, l’ensemble des mentions relatives à celui des parents qui n’a pas demandé la communication du dossier sont protégées par son droit au respect de la vie privée. Elles devront donc être occultées.

L’exclusion du mineur. Incapable civil, le mineur ne peut luimême avoir accès à son dossier. Ce principe constant ne saurait toutefois être interprété comme faisant obstacle à son droit de recevoir les informations sur sa santé et de participer à la prise de décision le concernant, d’une manière adaptée à son degré de maturité (8). La plus grande attention doit donc être apportée à une demande d’accès au dossier formulée par un mineur, qui révèle au minimum un besoin de communication et un désir d’informations complémentaires. Il faudra répondre à cette demande et reprendre avec le patient les éléments de son dossier et leurs incidences sur sa vie d’adulte, en tenant compte de sa capacité de compréhension et de discernement. S’il est exclu du droit d’accès à son dossier, le mineur conserve donc tout de même une certaine maîtrise des informations qui le concernent.

L'intérêt supérieur de l'enfant

S’il est réputé ne pas disposer de la maturité nécessaire pour exercer personnellement ses droits, le mineur a cependant des droits, précisés en particulier par la notion croissante d’« intérêt supérieur de l’enfant ».

Demande de médecin intermédiaire. En premier lieu, le patient mineur peut demander que la communication de son dossier au titulaire de l’autorité parentale s’effectue par l’intermédiaire d’un médecin. Il revient néanmoins à ce titulaire de désigner le médecin de son choix et de déterminer les modalités pratiques de la consultation (9). Par ailleurs, l’accord du mineur à la communication du dossier à ses représentants légaux n’étant pas requis par les textes, rien n’oblige à le consulter lorsqu’une demande est présentée par l’un ou les deux titulaires de l’autorité parentale. Il faut toutefois convenir que le bon exercice de ses droits par le patient mineur suppose au minimum qu’il en soit informé. Un arrêté (10) précise ainsi que « pour ce qui concerne l’accès aux informations par l’intermédiaire d’un médecin, il apparaît nécessaire de demander la position du mineur, lorsque les parents ne sont jamais intervenus lors des soins, ou lorsque l’âge, le contexte familial, la pathologie présentée paraissent le justifier, ou encore lorsque le mineur bénéficie à titre personnel du remboursement des prestations en nature de l’assurance maladie et de la couverture complémentaire. » 

Demande de secret. En second lieu, le mineur peut s’opposer à la transmission de certaines informations à l’un, l’autre ou aux deux titulaires de l’autorité parentale. Ce droit de rétention a été conçu par le législateur (11) comme un dispositif d’exception, ne devant jouer que dans les cas, tout aussi rares, où le médecin aurait délivré des soins nécessaires à la sauvegarde de la santé d’un mineur souhaitant garder le secret à l’égard du ou des titulaires de l’autorité parentale (12). Signe d’une évolution vers une reconnaissance plus affirmée de l’autonomie des patients mineurs (ou de certains d’entre eux), le domaine d’application de ce droit d’opposition s’est récemment élargi. D’une part, c’est le champ même des actes et des soins visés qui ont été étendus pour englober toute action de prévention, dépistage, diagnostic, traitement ou toute intervention réalisée par un médecin ou une sagefemme « lorsque l’action s’impose pour sauvegarder la santé » de la personne mineure (13). D’autre part, le droit au secret du mineur concerne également les soins qui, se rattachant à sa santé sexuelle et reproductive (contraception, interruption de grossesse), peuvent être délivrés sans accord parental. En vertu de la jurisprudence, et de façon beaucoup plus radicale, il semble que ce droit puisse également être étendu à toute communication d’information sensible à laquelle le patient mineur se serait opposé, alors même que les soins n’ont pas été délivrés dans le cadre dérogatoire prévu (12).
C’est en tout cas la position du tribunal administratif d’Amiens le 24 octobre 2013 à propos des notes prises par la psychologue d’une patiente mineure à l’occasion d’une prise en charge hospitalière dont la communication avait été demandée par les parents (14). Après avoir indiqué que ces notes, participant à l’élaboration du diagnostic et au traitement dispensé, relevaient bien des éléments communicables du dossier, les juges ont souligné que l’opposition exprimée par la jeune patiente à leur communication à ses parents devait être prise en compte et prévaloir sur leur droit d’accès, et, ce, alors même que la prise en charge ne s’inscrivait pas le cadre dérogatoire (12).
Il importe de rester extrêmement prudent quant à l’interprétation de ce jugement, qui, isolé, a été rendu par une juridiction de premier ressort. Il n’empêche qu’il reflète assez bien une tendance plus profonde et plus générale à considérer que l’intérêt supérieur de l’enfant justifie parfois que l’on écarte les droits des parents, a fortiori lorsque sont en jeu des intérêts aussi fondamentaux que sa santé, physique ou psychique (14).

Protection de l’enfant. C’est ce que confirme aussi la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), qui a fait valoir que la décision de communiquer ou non le dossier d’un patient mineur devait être prise en « faisant prévaloir l’intérêt supérieur de l’enfant, ainsi que l’exigent les stipulations de l’article 3 de la Convention internationale des droits de l’enfant. » (15).
L’affaire concernait les notes et les comptes rendus des consultations de suivi psychiatrique dont faisait l’objet une jeune patiente de 14 ans. Lors de la communication de son dossier médical à ses parents, le directeur général de l’hôpital avait choisi de retenir ces données et, partant, de les occulter du dossier. Saisie de la question, la CADA a notamment indiqué que les propos du mineur à l’occasion d’un suivi psychiatrique ne constituaient pas des informations recueillies auprès de tiers pouvant être exclues du droit d’accès reconnu aux titulaires de l’autorité parentale. Elle a néanmoins immédiatement ajouté que « la décision de communiquer le dossier en cause doit (…) être prise en faisant prévaloir l’intérêt supérieur de l’enfant ». Selon elle, la loi ne saurait être interprétée « comme prescrivant la communication aux titulaires de l’autorité parentale des pièces du dossier médical de l’enfant, et notamment des propos tenus par l’intéressé au cours de consultations, dans l’hypothèse où cette communication serait susceptible de constituer une menace pour la santé ou la sécurité de l’enfant (dont relève également son bien-être) ». Il reste à s’assurer que le juge suivra cette position.

Stéphanie Renard, Maître de conférences, Éric Péchillon, Professeur des Universités, Lab-LEX EA 4251, Université de Bretagne-Sud (Vannes).

1– Article L. 1110-7 du Code de santé publique (CSP).
2– Art. L. 1111-7 du CSP.
3– Conseil d’État (CE), 21 février 1996, n° 149250.
4– Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), avis n° 20065127 du 23 novembre 2006 et n° 20081303 du 3 avril 2008.
5– CADA, conseil n° 20074488 du 22 novembre 2007 et avis n° 20143924 du 18 septembre 2014.
6– CADA, conseil n° 20135073 du 30 janvier 2014, CH de Nasillards.
7– Selon les articles L. 1111-7 et R. 1112-2 du CSP.
8– Art. L. 1111-4 du CSP et 371-1 du Code civil.
9– Art. R. 1111-6 du CSP.
10– Arrêté du 5 mars 2004 portant homologation de bonnes pratiques relatives à l’accès aux informations concernant la santé d’une personne.
11– Lors du vote de la Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.
12– Prévus à l’article L. 1111-5 du CSP.
13– Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.
14– TA d’Amiens, 24 octobre 2013, M. Michel G., n° 1200264, Les Feuillets du TA. d’Amiens, n° 48, 2e semestre 2013, p. 4.
15– CADA, avis n° 20150229 du 19 mars 2015, CHRU de Brest