« Asile » : une épreuve de folie à Fort Boyard

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Joan qui anime le blog "Comme des fous" dont l'objectif est d'interroger le regard porté sur la folie et les représentations que véhiculent les médias, réagit dans son dernier article à la dernière épreuve du célèbre jeu télévisé "Fort Boyard" .

"En passant la porte d'entrée du Boyard Psychiatric Hospital, le candidat se retrouve dans un sas, où Passe-Muraille lui enfile une camisole de force. Sur le vêtement sont accrochées plusieurs petites balles blanches et rouges.

Après cette étape, le candidat se positionne sur une porte à bascule automatique, qui l'envoie directement dans une salle capitonnée fortement éclairée, avec uniquement de caméras de surveillance. Cette action provoque la libération de la clé dans le sas d'entrée.

Pour ressortir de la salle capitonnée et récupérer la clé dans la première partie de la cellule, le candidat doit se secouer, se contorsionner et se frotter contre les murs, afin de décrocher (sans les mains évidemment) les 4 balles rouges présentes sur sa camisole

Lorsqu'il y parvient, il doit saisir avec la bouche, chacune des balles rouges tombées au sol, afin de les placer dans les tuyaux répartis à différents endroits de la cellule.

Mais dans cette salle capitonnée sans porte de sortie, les candidats deviennent fous rapidement ! Pour compliquer la tâche, l'ensemble la cellule tourne sur elle-même. Le candidat se retrouve à marcher sur les murs ou au plafond !

La pratique de l'isolement et la contention
Des candidats enfermés dans une cellule capitonnée avec une camisole de force, voici la nouvelle épreuve qui attend cet été les candidats du jeu télévisé Fort Boyard.

Première réaction du gamin devant sa télé : « ça se passe comme ça à l'Hôpital Psychiatrique ? ».

Pour aider les parents à répondre à cette question, voici quelques clés de lecture :

– L'asile comme lieu d'enfermement arbitraire, la chambre capitonnée et la camisole sont révolus mais les pratiques d'isolement (enfermement dans une chambre prévue à cet effet) et de contention (le fait d'attacher et sangler une personne) sont courantes et réglementées en France, souvent considérées comme nécessaires en cas de crise.
– La psychiatrie d'aujourd'hui préfère parler de chambre de soins intensifs. Il s'agit à priori de désamorcer des situations extrêmes où l'interaction avec le personnel et les autres personnes hospitalisées peut être dangereuse. Une crise psychique peut s'accompagner d'une certaine agressivité envers les autres et envers soi-même d'où l'idée ancienne de capitonner les chambres pour éviter que la personne ne se blesse d'elle-même.
– Que ressent-on dans ces situations-là ? L'isolement est une expérience très traumatisante bien qu'elle soit considérée comme une mesure thérapeutique de dernier recours. Elle peut être vécue comme une torture, surtout quand on ne vous explique pas les raisons de votre enfermement et qu'on vous laisse seul avec vous-même et votre angoisse.
– Peut-on faire autrement ? L'hôpital psychiatrique en tant que lieu de soin se doit d'accueillir dignement toute personne en grande souffrance dans le respect de ses droits. Or, la pratique de l'isolement, justifiée par des situations d'urgence, pourrait être évitée si on s'en donnait les moyens. On peut prévenir la crise et les situations de violence, parfois quelques mots ou une présence attentive permettent d'éviter le recours à de telles pratiques.
– Pourquoi n'abolit-on pas la contention et l'isolement en France ? Il faut du temps pour changer les pratiques et les mentalités mais aussi beaucoup d'implication et une volonté politique. C'est d'autant plus difficile dans la situation actuelle de la psychiatrie, avec le manque de moyens humains et de formation au soin relationnel, où les soignants sont condamnés à devenir des surveillants plutôt que des accompagnants.
Aujourd'hui en France, près de 100000 personnes sont internées chaque année sans leur consentement en hôpital psychiatrique. Lieu de refuge et d'asile au sens noble du terme, l'hôpital alimente aussi les pires fantasmes de la société, personne n'a envie de finir chez les fous.

Il faut savoir que la psychiatrie concerne 2 millions de personnes en France et que 80% des personnes sont soignées au plus près de leur domicile et ne sont jamais hospitalisées.

L'hospitalisation en psychiatrie reste une épreuve traumatisante dont il est difficile de se relever, notamment du fait de la stigmatisation et du regards des autres.

A travers Comme des fous, nous souhaitons interroger le regard qu'on porte sur la folie et les représentations que véhiculent les médias.

On peut s'amuser comme des fous devant cette séquence tant qu'on n'oublie pas que ce jeu peut être blessant pour les personnes qui ont été confrontées réellement à cette même situation sous prétexte qu'elles étaient folles. De plus, cela peut participer à stigmatiser les pratiques soignantes et à éloigner du soin les personnes en grande difficulté qui auraient peur de se voir infliger un tel traitement.

Mais peut-être aussi que les candidats pourront témoigner de leur ressenti après cette folle épreuve et qu'ils nous diront ce que ça fait d'être mis dans la peau d'un fou".