Programme de soin : quelle responsabilité en cas de rupture ?

N° 279 - Juin 2023
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Aucune mesure coercitive ne peut être mise en œuvre à l’égard d’un patient en programme de soin. En cas de préjudice lié à une rupture de ce programme, quelle est la responsabilité de l’établissement ?

Instauré en 2011 avec la réforme des soins sans consentement (1), le programme de soins (PDS) est une modalité de soins sous contrainte ambulatoire. Conçu comme une alternative à l’hospitalisation complète, le PDS propose aux patients de réintégrer la communauté en bénéficiant d’un suivi rapproché. Selon la Haute Autorité de santé (2), il s’agit un outil thérapeutique dont « le fil rouge est de permettre, dès que possible, le retour pour la personne à des soins librement consentis, en visant, tout le long du parcours, l’alliance thérapeutique. » Ce dispositif concernait près de 42 000 patients en 2018 (2). Que doit faire le soignant en cas de rupture du programme ?

De quoi s’agit-il ?

Le PDS intervient à l’issue d’une hospitalisation complète sans consentement. Il peut être déclenché, au plus tôt, à la fin de la période initiale d’observation de 72 heures. Il se concrétise par un document écrit, rédigé par un psychiatre de l’établissement, et définit les types de soins, leur périodicité et les lieux de leur réalisation (3). Il est établi au cours d’un entretien individuel en vue de recueillir l’avis du patient. À tout moment, il peut être modifié et adapté à l’état de santé du patient (4) . Soulignons que le PDS ne comporte pas d’indications relatives aux traitements médicamenteux, à la nature et aux manifestations des troubles mentaux (4). En cas d’inobservance du PDS susceptible d’entraîner une dégradation clinique, le psychiatre peut proposer au patient de réintégrer l’établissement (4). Cette réintégration en hospitalisation complète ne constitue pas une nouvelle mesure de soins sans consentement, mais la poursuite de la mesure initiale, dont la forme est modifiée. Ainsi, « médicalement », une indication de retour dans l’établissement peut être posée et annoncée à la per- sonne. En cas de refus, que dit le droit ?

Modalités de réintégration

Dans ce cadre des soins sans consentement, le Code de la santé publique (5) précise qu’« aucune mesure de contrainte ne peut être mise en œuvre à l’égard d’un patient pris en charge sous la forme [d’un programme de soins] », ce qui pose une difficulté récurrente aux professionnels de santé. Les soignants n’ont pas le droit de pénétrer au domicile d’une personne. Si le patient refuse de les laisser entrer, ils ne disposent d’aucune alternative.

Bien souvent, leur réflexe est alors de solliciter les forces de l’Ordre pour les assister dans leurs démarches de retour en soins du patient, même si ce recours reste discutable sur le plan éthique. Par ailleurs, les services de police ou de secours ne peuvent intervenir que dans certaines situations caractérisées. Le non-respect d’un programme de soins ne constitue pas une infraction pénale,

mais la situation de péril pour la personne peut légitimer une assis- tance de ces services. En pratique, une limite réside souvent dans la possibilité matérielle : dans une temporalité donnée, il n’est pas évident de se coordonner pour se présenter au même instant au domicile de la personne. Par ailleurs, les problèmes d’effectifs ne facilitent pas la démarche.

Le maître mot : la traçabilité

En filigrane, sur le plan juridique, se profilent les enjeux liés à la responsabilité. Plusieurs acteurs entrent en jeu : l’hôpital, le psychiatre et le patient. Le patient en programme de soins reste sous la responsabilité de l’hôpital. Sans disposition spécifique, le régime de responsabilité se calque sur celui des sorties à l’essai, c’est-à-dire une indemnisation des tiers victimes par l’hôpital sur le fondement du risque spécial lié aux modalités de soin (6).

Dès lors, dans ce contexte, la traçabilité est le maître mot. Dès qu’un patient ne se présente pas au rendez-vous mensuel, il convient de le contacter, de lui demander les motifs de son absence et de lui donner un nouveau rendez-vous. Face à l’im- possibilité de le joindre, ou à son silence, la personne de confiance peut être contactée. Selon la situation, des visites à domicile peuvent être envisagées. De même, selon les liens familiaux, dans le respect du secret professionnel, des contacts peuvent être établis pour s’enquérir d’informations sur l’état de santé du patient. Rappelons que l’institution a une obligation de moyens (et non de résultats), c’est-à-dire qu’elle doit tout mettre en œuvre pour tenter de localiser la personne, la convaincre de revenir à l’hôpital, et pouvoir justifier de ces démarches.

In fine, le programme de soins est une modalité de soins contraints ambulatoires excluant toute coercition, soit, pour les juristes, un véritable Ojni, « objet juridique non identifié » (7)…

Valériane Dujardin-Lascaux Juriste, EPSM des Flandres

1– Loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011.
2– Programme de soins psychiatriques sans consentement, mise en œuvre. HAS, Guide de bonnes pratiques, 2021.
3– Article L.3211-2-3 du Code de la santé publique.
4– Article R.3211-1 du Code de la santé publique.
5– Article L.3211-2-3-III du Code de la santé publique.
6– « Fugue » d’un patient hospitalisé en psychiatrie : que faire ? Valériane Dujardin-Lascaux, Santé mentale, n° 269, juin 2022.
7– Le programme de soins : quelles responsabilités ? Valériane Dujardin-Lascaux, Eric Péchil- lon, L’Information Psychiatrique, Vol 96, n° 3, mars 2000.