L’Evaluation Thérapeutique c’est quoi ?

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Interview de Mr Finn le créateur de l’Evaluation Thérapeutique (ET)

Ces dernières années, nous avons vu beaucoup d’adjectifs accolés au terme d’Evaluation (traditionnelle, collaborative, thérapeutique, systématique…)
Quelle est l’originalité de l’Evaluation Thérapeutique ?

A la fin des années 1970, alors que je préparais mon doctorat en psychologie clinique, j’ai remarqué que l’on observait chez certaines personnes, juste après une évaluation psychologique, une amélioration spectaculaire au niveau de leurs symptômes et de leur motivation au traitement. Fasciné par ce phénomène, j’ai commencé à étudier le potentiel thérapeutique de l’évaluation psychologique en 1984 – date à laquelle j’ai pris un poste d’enseignement à l’Université du Texas. Au départ, je me suis concentré sur l’intérêt que présentaient pour les patients les commentaires accompagnant les résultats du test psychologique. Puis j’ai pris conscience que d’autres aspects du processus d’évaluation pouvaient également être légèrement modifiés pour aider les patients et leur entourage. L’aboutissement de ces années d’expérimentation et de recherche est l’Evaluation Thérapeutique – formulaire semi-structurée d’évaluation psychologique collaborative -– empiriquement fondée sur la recherche – qui utilise les tests psychologiques classiques comme pièce maîtresse d’une puissante intervention thérapeutique effective. En revanche, l’évaluation thérapeutique (avec un “e” et un “t” en minuscule) est principalement une attitude vis à vis de l’évaluation psychologique par laquelle on espère utiliser l’évaluation dans l’intérêt des patients.

Est-ce un bilan psychologique ou une thérapie ?

Les deux à la fois. L’Evaluation Thérapeutique peut remplir tous les objectifs de l’évaluation psychologique classique – psychodiagnostic, planification du traitement et évaluation du résultat thérapeutique– tout en servant également de thérapie brève.

En quoi cela consiste-t-il ?

L’Evaluation Thérapeutique est fondée sur 5 principes :

– Premièrement, les évaluateurs s’attachent à établir une relation forte et positive avec les patients et à les impliquer comme partenaires tout au long du processus d’évaluation. Ainsi, au début d’une évaluation, les clients sont incités à poser des questions les concernant qu’ils souhaitent voir aborder au cours de l’évaluation.

– Deuxièmement, des tests psychologiques standardisés sont utilisés pour aider à répondre aux questions posées par le client et par d’autres professionnels prenant part à l’évaluation. Nous ne proposons pas la même batterie de tests à tous nos patients.

– Troisièmement, des tests psychologiques et d’autres procédures (jeux de rôles, projets artistiques par ex.) sont utilisés au cours des séances pour aider les patients à explorer des hypothèses issues des tests. Ainsi, on peut demander à une cliente d’interpréter ses propres récits de TAT (Thematic Apperception Test) ou d’analyser ses réponses au test de Rorschach

– Quatrièmement, les observations faites et les conclusions tirées lors de l’évaluation sont résumées et discutées par les professionnels et les patients, en portant une attention toute particulière aux solutions envisagées à l’issue de l’évaluation. Les patients participent à la mise en forme de ces « suggestions » et cette participation permet d’en garantir la viabilité et de s’assurer qu’elles ne sont pas trop difficiles à mettre en œuvre.

– Enfin, les résultats et les conclusions de l’évaluation sont rédigées par les évaluateurs et remis aux patients et aux autres parties concernées. Ceci prend généralement la forme d’une lettre dans laquelle les résultats de l’évaluation sont expliqués dans un langage simple et non technique.

Certains clients reviennent pour un suivi régulier (une fois par an par ex.) longtemps après la fin de l’Evaluation Thérapeutique, pour continuer à explorer et à mettre en œuvre les résultats de l’évaluation.

Est-ce que cette intervention s’applique à tous les âges ?

Oui bien sur. L’Evaluation Thérapeutique a été utilisée pour des enfants de 4 ans seulement et leurs parents, pour des adolescents et leur famille, pour des adultes présentant divers types de problèmes dans leur vie et auprès de couples qui souhaitent mieux comprendre leurs relations.

Pouvons-nous avoir accès à des cas cliniques ?

Il existe maintenant un grand nombre d’études de cas publiées, dont beaucoup peuvent être téléchargées à partir du site web de l’Evaluation Thérapeutique ((www.therapeuticassessment.com). Il existe également un recueil récemment publié : Finn, S. E., Fischer, C. T., & Handler, L. (Eds.) (2012). Collaborative/Therapeutic Assessment: A casebook and guide. Hoboken, NJ: Wiley. De plus, deux cas cliniques sont publiés en français Finn, S.E., & Chudzik, L. (2013). L’évaluation thérapeutique pour enfant : théorie, procédures et illustration. Neuropsychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, 61(3), 166-175 ; et : Finn, S.E., & Chudzik, L. (2010). L'Évaluation Thérapeutique : une intervention originale brève (pp. 203-226). Dans S. Sultan & L. Chudzik (Eds). Du diagnostic au traitement : Rorschach et MMPI-2. Wavre : Mardaga.

S’il s’agit d’une intervention thérapeutique, avons-nous des preuves de son efficacité ?

Depuis 1992, de nombreuses études portant sur l’évaluation psychologique collaborative et thérapeutique ont été menées. Elles englobent des essais cliniques aléatoires, ainsi que des expériences à sujet unique incluant des mesures répétées des patients au cours d’une Evaluation Thérapeutique. Une méta-analyse publiée en 2010 par Poston et Hanson a révélé une taille d’effet Médian de 0,42 pour les RCT (Random Control Trials) et a conclu « Il semble que ceux qui se lancent dans l’évaluation et les tests de façon traditionnelle risquent de passer à côté d’une excellente occasion de voir le client changer et d’optimiser des processus de traitement cliniquement importants » (p. 210).

Quelles sont les théories qui sous-tendent cette intervention ?

L’Evaluation Thérapeutique peut être expliquée à partir de plusieurs perspectives théoriques distinctes, mais ses techniques et ses valeurs fondamentales sont surtout compatibles avec les théories interpersonnelles de la personnalité (Sullivan, 1954 par ex.), la théorie de l’intersubjectivité (Stolorow & Atwood, 1992), la psychologie phénoménologique (Fischer, 1980) et la thérapie narrative (White & Epston, 1990). Globalement, nous pensons que l’Evaluation Thérapeutique aide les clients à élaborer des récits plus cohérents, plus précis, plus empreints de compassion et plus utiles sur eux-mêmes et sur leur place dans le monde.

Les résultats des tests ne risquent-ils pas d’enfermer les gens dans des catégories ou des diagnostics ? Autrement dit, n’y a-t-il pas un risque de faire trop confiance à nos tests ?

L’Evaluation Thérapeutique considère les tests psychologiques comme des « amplificateurs d’empathie » qui nous aident à nous mettre « à la place de nos patients » et sont le point de départ de discussions constructives avec les patients concernant leur manière d’être habituelle. Les évaluateurs qui pratiquent l’Evaluation Thérapeutique reconnaissent l’existence de la psychopathologie et des traits de personnalité, mais s’intéressent surtout aux influences contextuelles sur le fonctionnement de nos patients, celles-ci aidant à définir de quelle manière les patients peuvent changer. Nous considérons une évaluation psychologique comme un « instantané » de la personne, dans un certain contexte et à un moment précis.

Voyez-vous des contre-indications à L’Evaluation Thérapeutique ?

Certaines évaluations psychologiques doivent répondre à une question simple (comme par exemple est-ce qu’un enfant est qualifié pour suivre un programme scolaire destiné aux élèves doués) et l’Evaluation Thérapeutique serait inefficace ou inutile dans un tel cas. Dans les cas d’évaluation non volontaire (justice/police, expertise par exemple) l’Evaluation Thérapeutique peut s’avérer plus difficile à utiliser et risque même d’interférer avec les objectifs de ces évaluations. Toutefois, certains évaluateurs ont pu utiliser avec succès les techniques d’évaluation collaborative avec de tels patients. Ces cas mis à part, il n’existe aucune autre contre-indication à l’ET.

Quels tests utilisez-vous pour ces interventions ?

L’Evaluation Thérapeutique peut être utilisée avec tout test psychologique ou toute procédure d’évaluation valide et fiable. Dans toute évaluation spécifique, les tests sont choisis en fonction des questions du patient et des professionnels référents intégrées dans l’évaluation, des ressources disponibles (en temps et en argent), de la formation et de l’expertise de l’évaluateur et des données personnelles du client (langue maternelle, culture, niveau de lecture etc.). Dans les évaluations qui explorent des aspects émotionnels et de personnalité, les évaluateurs chargés de l’Evaluation Thérapeutique jugent généralement utile de faire appel à la fois aux tests d’auto-évaluation (questionnaires de personnalité comme le MMPI 2 RF) et aux tests projectifs par ex.

Comment peut-on se former à l’Evaluation Thérapeutique ?

Le Therapeutic Assessment Institute coordonne la formation à cette discipline dans le monde entier et propose un programme de certification en Evaluation Thérapeutique. Les ateliers de formation, ainsi qu’une importante bibliographie, figurent sur le site web de l’Evaluation Thérapeutique, www.therapeuticassessment.com.

La conférence inaugurale sur l’Evaluation Collaborative/Thérapeutique se tiendra à Austin, au Texas, du 11 au 13 septembre 2014 et de nombreux ateliers de formation y seront proposés.

Je serai en France, à Paris, le 7 juillet 2014 pour une journée d’introduction à l’Evaluation Thérapeutique. Organisée par l’Ecole de Psychologues Praticiens et l’AFERTP, en partenariat avec les ECPA, vous trouverez tous les renseignements ci-dessous : http://www.psycho-prat.fr/


Références

– Fischer, C. T. (1980). Phenomenology and psychological assessment: Re-presentational description. Journal of Phenomenological Psychology, 11, 79-105.
– Stolorow, R. D., & Atwood, G. E. (1992). Contexts of being: The intersubjective foundations of psychological life. Hillsdale, N.J.: Analytic Press.
– Sullivan, H. S. (1954). The psychiatric interview. New York: W.W. Norton.
– White, M., & Epston, D. (1990). Narrative means to therapeutic ends. New York, NY: Norton.