08/07/2020

Le tutorat en psychiatrie : vers une épistémologie des soins infirmiers

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En psychiatrie, la question de la professionnalisation des infirmiers est récurrente : avec une formation initiale « généraliste » depuis 1992, c’est à nouveau aux établissements qu’incombe la charge d’enseigner les spécificités de la discipline. Cet article replace le tutorat des nouveaux infirmiers dans un contexte élargi, avec une mise en perspective historique. Si le tuteur a une mission de transmission des savoirs, ceux-ci restent mal identifiés. Alors que la recherche met en évidence de nombreuses fonctions soignantes dans les soins informels du quotidien, c’est la façon « d’être là » dans l’unité, d’entrer en relation de manière rassurante avec les patients, qui apparaît fondamentale et se détache en termes épistémologiques. Transmettre ces savoirs suppose de convoquer des situations singulières de soin, de permettre au tutoré de développer sa qualité relationnelle et sa réflexion.

La professionnalisation de l’infirmier constitue une préoccupation fréquemment abordée dans le tutorat en psychiatrie. Lorsque nous nous intéressons à la formation des soignants dans notre discipline sur le long terme, deux mouvements majeurs sont notables :

• Le premier concerne la diminution massive des enseignements spécifiques à notre discipline dans la formation initiale des infirmiers. Un reliquat d’une petite centaine d’heures, voilà ce qu’il reste aujourd’hui de l’enseignement théorique et clinique. Un paradoxe qui confine à l’aporie au regard du contexte en termes de prévalence des besoins sur le plan épidémiologique en psychiatrie et en santé mentale sur le territoire.

Le changement de paradigme opéré en 1992 a ainsi fait passer une formation spécifique dans ses apports liés à la psychiatrie à une formation généraliste consacrant le modèle de l’infirmier « polyvalent ». Cette évolution consacre le passage d’une formation organisée pour répondre à des besoins disciplinaires à une formation où « l’employabilité » devient la priorité.

Il en a résulté une délégation de la responsabilité de la formation, dans sa charge organisationnelle et financière, aux établissements de santé mentale. Cette situation nous ramène au contexte de 1955, quand la formation des professionnels reposait sur la volonté de quelques acteurs locaux. En 2006, le tutorat s’inscrit dans un sursaut des pouvoirs publics en 2006 lié au plan santé mentale 2005-2009 (PPSM).

• Le deuxième mouvement concerne la nature des savoirs attendus pour l’exercice professionnel des infirmiers en psychiatrie. Cette dimension épistémologique nous conduit à deux constats.

– Le premier constat est celui de l’introduction de nouveaux savoirs. D’une part ceux en lien avec l’évolution de la formation et son caractère polyvalent. On parle ici des savoirs nécessaires à la prise en charge somatique. D’autre part, ceux liés à la naissance de savoirs et connaissances spécialisés relatifs aux évolutions des sciences et techniques (réhabilitation, place des neurosciences, l’éducation thérapeutique du patient (ETP), l’interface avec le médico-social.).

– Le second constat est celui de la reconnaissance des savoirs spécifiques et transférables issus de l’activité professionnelle quotidienne des soignants, un creuset ou s’élabore des relations soignants/soignés, une qualité de présence et des savoirs faire avec « la folie ». Ces savoirs expérientiels restent cependant peu formalisés mais sont pourtant des éléments clés d’une professionnalisation des jeunes professionnels.

Notre propos ici est de replacer le tutorat des infirmiers nouvellement arrivés en psychiatrie dans un contexte plus large, un contexte élargi avec des éléments de mise en perspective historique, laquelle peut éclairer nos questionnements actuels. Il est toujours important de savoir d’où l’on vient quand on veut savoir où l’on va.

La modernité consiste à savoir apprendre d’autrefois pour éclairer le présent…

Un texte de Jean-Paul Lanquetin, infirmier de secteur psychiatrique, praticien chercheur praticien chercheur en soins infirmiers, responsable du GRSI.

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