Le droit de vote des personnes hospitalisées en psychiatrie

N° 216 - Mars 2017
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Hospitalisés en soins libres ou sans leur consentement, les patients restent des citoyens à part entière. Recommandations pratiques pour leur permettre d’exercer leur droit de vote.

Cette période électorale est l’occasion de se réinterroger sur la place du malade dans la cité. Afin d’éviter que l’hospitalisation soit trop discriminante, le législateur affirme régulièrement que les patients pris en charge en psychiatrie restent des citoyens à part entière. La loi du 5 juillet 2011 (1) rappelle ainsi que, même lorsqu’il fait l’objet d’une prise en charge sous contrainte (2), le patient « dispose, en tout état de cause, du droit […] d’exercer son droit de vote » (3). En ce qui concerne les personnes en soins libres, elles ont a fortiori « les mêmes droits liés à l’exercice des libertés individuelles que ceux qui sont reconnus aux malades soignés pour une autre cause » (4). À aucun moment, un soignant ne peut estimer seul que la personne serait « trop malade » pour exprimer son choix électoral. Seule l’autorité judiciaire peut prendre la décision de refuser à une personne sa qualité d’électeur. Cela peut être le résultat d’une condamnation pénale (5) ou la conséquence du placement sous tutelle. Sur ce dernier point, le code électoral (6) précise bien le caractère non systématique de la perte du droit de vote pour les majeurs protégé : « Lorsqu’il ouvre ou renouvelle une mesure de tutelle, le juge statue sur le maintien ou la suppression du droit de vote de la personne protégée ». Par conséquent, les services de soins doivent rappeler aux patients les solutions qui s’offrent à eux pour exercer cette liberté fondamentale.

Organiser le vote par procuration

La première solution est d’organiser au sein de l’établissement le vote par procuration. Le code électoral prévoit en effet que si le patient ne peut se rendre au commissariat, à la gendarmerie ou au tribunal d’instance du fait de son état de santé, il lui est possible de demander que la procuration soit établie à l’hôpital, en joignant à sa demande un certificat médical attestant l’impossibilité de quitter le lieu de soins. Il faut juste préciser au patient que la personne à laquelle il donne procuration (le mandataire) doit remplir trois conditions : être inscrit sur les listes électorales de la même commune (pas nécessairement le même bureau de vote), avoir en sa possession la procuration du patient et ne pas avoir été désigné par un autre électeur (une seule procuration possible pour un vote en France). Techniquement, il est préférable d’anticiper la réalisation de la procuration, même si les textes permettent de le faire jusqu’à la veille du scrutin (7)

Permettre au patient de sortir pour voter

L’autre solution consiste à organiser des sorties de courte durée.
Le patient en soins libres doit solliciter auprès du directeur une autorisation exceptionnelle de sortie (d’une durée maximale de 48 heures) pour exercer ses droits (8). Après avis favorable du médecin chef de service, il peut temporairement quitter seul l’institution sans être considéré comme sortant. Si le psychiatre refuse la sortie, il conviendra de prendre soin de motiver très précisément ses raisons, justifiant le refus du directeur.
Lorsque le patient est en soins sous contrainte, la procédure est un peu plus complexe (9). Le patient doit formuler une demande « d’autorisation de sortie de courte durée » auprès du directeur afin d’accomplir des démarches extérieures. Même s’il ne s’agit pas d’une « sortie thérapeutique », un psychiatre de l’établissement doit fournir un avis favorable. Sur la base de ce dernier, le directeur accorde au patient le droit de s’absenter pour une durée maximale de 48 heures ou organise une sortie accompagnée de moins de douze heures. Les accompagnants doivent rester en permanence avec le patient, sauf bien sûr lorsque celui-ci se rend dans l’isoloir (10).
Notons ici qu’il est préférable d’anticiper les demandes afin d’éviter qu’au dernier moment (le samedi voire le dimanche matin) les patients ne sollicitent le directeur.
Dans le cas particulier des patients en Soins à la demande du représentant de l’État (SDRE), il est indispensable d’avertir le préfet au moins 48 heures avant, soit dans la journée du jeudi précédant l’élection. Ce délai spécifique mérite d’être rappelé aux patients dès que possible.

Anticiper

Durant son hospitalisation, le patient « conserve le domicile qui était le sien [avant son admission], aussi longtemps que ce domicile reste à sa disposition » (11). Concrètement, son bureau de vote correspond à la carte électorale de son lieu de domicile au 31 décembre de l’année qui précède le vote (et non celui du lieu de l’hospitalisation). Les dates des élections étant connues à l’avance, chaque service doit donc anticiper l’organisation de ces dimanches, surtout si plusieurs patients expriment en même temps le désir de remplir leurs devoirs de citoyens.

Éric Péchillon, Professeur des Universités, Stéphanie Renard, Maître de conférences, Lab-LEX EA 4251, Université de Bretagne-Sud (Vannes).

1– Loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge.
2– Art. L. 3212-1 du code de la santé publique (CSP).
3– Art. L. 3211-3 7° du CSP.
4– Art. L. 3211-2 du CSP.
5– Art. 131-26 et 131-29 du Code pénal.
6– Art. 5 du Code électoral.
7– Art. L. 71 et suivants du Code électoral.
8– Art. R. 1112-56 du CSP.
9– Art. L. 3211-11-1 du CSP.
10– Art. L. 62 du Code électoral.
11– Art. L. 3211-7 du CSP