« Ça va, j’ai rien fait… »

N° 197 - Avril 2015
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Hyperactif et infantile, Meddy a tendance à exaspérer les soignants comme les autres patients de l’hôpital de jour… Pas facile de « prendre soin » de lui !

Meddy est un adolescent de 13 ans qui en paraît au moins 15. Petit et grassouillet, il a de beaux yeux hérités de sa mère kabyle. Il nous a été présenté comme hyperactif mais la réalité est plus complexe que cela.

Coucou !

D’abord, il y a les « Coucou ! », son jeu favori. Il faut imaginer Meddy en train de sautiller dans l’hôpital de jour. Comme monté sur un ressort, il surgit devant vous, agite la main pour attirer toute votre attention en clamant « Coucou, coucou ! » et se rapproche, sans vous quitter du regard. Si vous cherchez à l’éviter, il resserre l’écart jusqu’à vous toucher avec sa tête, éclate de rire sans vous lâcher des yeux, et toujours en secouant la main. Si vous le repoussez pour retrouver votre espace, il revient comme une mouche se poser sur vous. Il se plante devant vous jusqu’à ce que, excédé, vous finissiez par le chasser violemment par le geste et la parole. Là, enfin, il s’arrête, vous regarde d’un air totalement innocent puis s’en va en râlant : « Ça va, j’ai rien fait, t’es méchante ! » Cinq minutes plus tard, tout recommence… Toute la journée, il tourne ainsi autour des soignants mais aussi des jeunes, dont certains, totalement exaspérés, finissent par le menacer de lui « casser la gueule ». Une simple course à l’extérieur avec lui peut se révéler très compliquée car il répète son manège avec des passants. Même s’il provoque plutôt la surprise et l’hilarité, il n’est pas à l’abri d’une mauvaise rencontre, d’autant qu’il est très insistant…
Meddy est ainsi capable de mettre hors de lui le soignant le plus placide. « Virginie, tu es méchante », me lance-t-il soudain. Il sautille sur sa chaise, hilare. « Tu es méchante, très très méchante, la plus méchante des infirmières. » Il jubile d’excitation. Je ne le regarde pas et ne réponds rien. Il me fait penser à ma fille de 5 ans qui me lance, alors que je lui refuse un goûter avant le dîner : « Tu es vraiment la plus méchante des mamans du monde ! ».
Face à Meddy, en général, soit je bats en retraite, soit je brandis la menace de l’emmener dans le bureau de la cadre. De son air le plus dépité, il marmonne : « Mais c’est pas juste, j’ai rien fait moi, c’est toujours moi, j’en ai marre… », ce qui me donne encore plus envie de le punir. Je lutte en me disant que Meddy reste un bébé sous ses airs d’adolescent. Tout chez lui est infantilisme et régression. Quand il joue et asticote les autres. Quand il nous harcèle à table ou en groupe pour aller aux toilettes : « Je peux aller aux toilettes ?
– Tu peux attendre la fin du groupe Meddy, il reste 10 minutes.
– Mais j’ai envie », supplie-t-il en se tortillant comme un petit garçon.
Il devient généralement si insistant que nous finissons par céder, ne serait-ce que pour clore le groupe tranquillement avec les autres jeunes.

Fascination, exaspération…

Meddy a un corps malhabile et mou. Il a du mal à effectuer des gestes simples comme faire ses lacets. Il ne sait pas faire son lit ni plier des draps.
Pourtant Meddy est aussi un garçon fin et intelligent. Il comprend vite et parvient à être performant quand il arrive à se concentrer.
Au groupe informatique, il a vite compris la logique des sudokus. Nous lui réservons une place isolée loin des autres jeunes pour qu’il ne soit pas tenté de les déranger. Il peut vite s’exciter et faire du bruit avec son ordinateur pour attirer l’attention des autres. Il faut lui trouver des exercices ni trop difficiles ni trop simples pour qu’il ne se lasse pas de chercher.
À son arrivée à l’HDJ, Meddy a cherché maladroitement à se faire des amis. Agitant la main devant des garçons, il les questionnait trente fois par jour : « Veux-tu être mon ami ? ». Ce qui avait le don de provoquer exactement l’effet contraire à celui recherché…
Meddy a un traitement neuroleptique pour calmer son angoisse. Il bénéficie aussi de temps courts de repos à l’infirmerie où, à plusieurs reprises, nous l’avons surpris en train de se masturber. Le « pipi », le « zizi », tout rappelle chez lui le petit garçon pas construit qui veut entrer en relation avec l’autre. Mais cette relation est si dangereuse pour lui qu’il n’a de cesse de la détruire…

Virginie de Meulder, Infirmière, Hôpital de jour pour adolescents, Association de santé mentale de Paris 13e .