12-13-14 juillet 2019 - Paris

Le dire des exils

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PARIS

1ere Convention européenne de l'Ecole de psychanalyse de l'internatinale des forums du champ lacanien (EPFCL)

La notion d’exil n’est pas en elle-même complexe. L’exilé se trouve expulsé de l’espace qui lui tenait lieu de patrie, coupé donc de ses attaches, de ses affinités vitales, voire de sa langue. Les causes de ce type de bannissement sont historiquement diverses. Mais, il est un fait, notable plus questionnant, et qui dépend bien peu des péripéties de l’histoire : le sentiment de l’exil. Le mythe du paradis terrestre, avec ses deux bannis d’origine Adam et Eve, et tous les mythes homologues de la chute qui ne manquent dans aucune culture, n’indiquent-ils pas que l’humanité se pense comme exilée ?

Le sentiment de l'exil
Dans la psychanalyse on a affaire à ce sentiment de l’exil, et c’est au point que lorsque l’analysant est un exilé effectif, l’exil de son histoire concrète n’est jamais que le second. Ce dire du sentiment de l’exil a évidemment ses degrés, et sa variété, qui seront à explorer au un par un puisqu’il n’y a pas deux analysants identiques, mais, au départ il est frappant de constater que le sujet analysant attribue sa souffrance à son histoire, pas à la grande histoire, mais à la sienne propre dans ses débats d’enfant avec l’Autre, et il se perçoit comme un exilé du grand Autre de la parole, un banni du « parent traumatique » comme le nomme Lacan, et ceci quelque soit son sexe, son âge, ou sa condition sociale. Pourtant n’est-il pas étrange que le sujet humain se perçoive comme séparé de quelque chose qu’il n’a jamais connu, une plénitude, un bonheur, une patrie. Cette nostalgie de ce qui jamais ne fut, d’où vient-elle ?

L'exil qui ne cesse pas de s'écrire
Freud le premier dans la psychanalyse en a donné une formule disant dès 1904, « objet perdu » à l’origine. Le rêve du hâvre et de la chaleur du ventre maternel où rien ne manque, et qui a sustenté l’idée d’Otto Rank selon laquelle la naissance serait un traumatisme, vient de là : du manque et de la division expérimentée que l’analysant impute d’abord aux avatars de son histoire singulière.

Le dire des exils
Avec cet objet perdu Freud ouvrait la voie laïque d’un l’exil… structural, celui qui fait des parlants des affamés d’un impossible complément. Cf le mythe d’Aristophane. Lacan y a reconnu un effet de la structure de langage qui programme le « l’Un-tout –seul », avec le mi-dire de la vérité et le « y a pas de rapport sexuel ». Cet exil du rapport est un incurable qui ne cesse pas de s’écrire, et la question est posée de savoir comment chaque analysant, dans son analyse, passe du sentiment de l’exil au savoir de l’exil structural et surtout comment il s’en accommode à la fin.

Les exilés de la grande histoire
Et puis il y a les exilés de l’histoire, bien différents. Eux, ils ont perdu ce qu’ils avaient, la mère patrie comme on la nomme, et avec elle, souvent, une langue, une culture, et toutes sortes d’affinités vitales. Les plus marquants sont ceux qui s’imposent, individuellement ou collectivement, dans les contextes de la terreur politique, des guerres, du colonialisme. A cet égard le siècle dernier n’a pas été chiche, quoique le nôtre ne soit pas non plus avare en matière de grandes migrations de la survie. Mais il y a aussi les exils calculés, choisis, inspirés par l’appétit de la découverte ou la quête des eldorados, par le désir d’autres chose, des ailleurs qui font rêver, à moins que ce ne soit un amour qui appelle ou un rejet qui pousse au loin. Dans tous les cas, la poignance de ces expériences, si diverses soient-elles, se raconte. Elle pousse au dire, à un dire qui veut faire savoir, et de fait, le dire de ces exils là a produit beaucoup de belles œuvres littéraires, beaucoup de documents aussi car ces déracinés de l’histoire, même quand ils ne se veulent pas témoins directs, même quand le silence les tient, ce qui est souvent le cas, ils font parler d’eux.
D’où la question de savoir si ce dire des exils de l’histoire se loge dans le dispositif proprement analytique, ou plutôt, comment en chaque cas il s’articule avec le dire analytique qui, lui, va vers l’exil structural ? Selon les cas, fera-t-il objection au dire de l’incurable, ou se laissera-t-il relativisé par lui ? C’est la question de l’analyse des traumatisés de l’histoire quand elle les a exilés de fait de leur origine, car alors ils ont rencontré ce que les nécessités de la structure peut loger d’horreur possible dans les contingences de l’histoire — et ce n’est pas le cas de tous les sujets.

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