Un médiateur dans un service d’urgences hospitalières : quelles missions selon les personnels ?

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La revue Santé Publique publie dans son dernier numéro un article en accès libre une étude investiguant les représentations des professionnels des urgences associées tant à la médiation qu’aux missions du médiateur. Il s’agissait également d’identifier les éventuels freins en même temps que les facteurs facilitant la présence de médiateurs dans les services des urgences.

Introduction/ Les rapports sociaux à caractère violent sont devenus un problème central dans le quotidien des salariés hospitaliers, plus particulièrement dans les services des urgences [1, 2]. Ces derniers sont parmi les premiers services en termes de déclaration de faits de violence [3, 4] et le personnel infirmier semble le plus touché [5-9]. D’un autre côté, le contexte des services des urgences est source de stress (l’attente du diagnostic) et d’insatisfaction pour les patients et les accompagnants (sentiment d’être mal traité) [10-14]. Cela entraîne des récriminations et parfois des plaintes, même s’il ne faut pas exclure le poids d’une attitude consumériste [15]. Le nombre croissant de patients pris en charge et leur hétérogénéité d’une part, et les problèmes de communication entre soignants et soignés ainsi que les délais d’attente d’autre part [16] favorisent les situations conflictuelles.

Une littérature abondante relate les multiples dispositifs mis en place en France pour remédier à ces situations. Si l’usage de la vidéo-surveillance et la formation des professionnels à la gestion de conflit sont les voies les plus souvent empruntées, rares sont les cas qui rapportent la mise en place de tiers comme un médiateur. La médiation est « un processus structuré reposant sur la responsabilité et l’autonomie des participants qui, avec l’aide d’un tiers neutre, impartial, indépendant, et sans pouvoir décisionnel ou consultatif, favorise, par des entretiens confidentiels, l’établissement ou le rétablissement des liens, la prévention, le règlement des conflits. » [17].

Cette définition suppose un tiers neutre et impartial, le médiateur, dont les missions s’apparentent à celle d’un facilitateur de solutions, en aucun cas décisionnaire ou fournisseur de règlements. La médiation s’applique dans de nombreux domaines sociaux (conflit de voisinage, séparation conjugale, conflits avec l’administration publique, conflits commerciaux, conflits dans les relations commerciales, etc.). À l’hôpital, la médiation médicale reste une forme de gestion des plaintes sous la forme d’une conciliation [18, 19]. Dans le cadre des services d’urgences, elle a pour but de restaurer ou d’instaurer un climat de confiance et d’apaisement au sein de ces services et, ainsi, de permettre une meilleure prise en charge du malade et un mieux-être des agents hospitaliers.

Les expérimentations de médiation dans les services d’urgences sont rares. Elles s’organisent autour de deux modèles. Le premier, que l’on peut qualifier de « sécuritaire » et qui s’éloigne singulièrement de la définition donnée ci-dessus, est la mise en place de médiateurs lorsque les autres méthodes de sécurisation ont échoué ou ont montré leurs limites [20]. C’est le choix opéré à l’hôpital Saint-Vincent de Paul de Lille et au CHU de Nice [21, 22]. Le second modèle que nous qualifions de « relationnel » présente la médiation comme un outil pour améliorer en profondeur les rapports sociaux entre les soignants et les patients ainsi que leurs accompagnants. Le travail du médiateur correspond, alors, à une action d’intercompréhension où le langage et la communication ont une place primordiale [23]. Néanmoins, certaines expérimentations ont montré la difficulté de positionner le médiateur en raison de la méconnaissance des professionnels de ce que peut être la médiation aux urgences, de la définition imprécise de ses missions, ou de la confusion avec le soutien apporté par d’autres professionnels, comme les psychologues par exemple [22, 24].

Dans le cadre d’un projet visant à intégrer des médiateurs dans les services des urgences, nous avons conduit une étude investiguant les représentations des professionnels des urgences associées tant à la médiation qu’aux missions du médiateur. Il s’agissait également d’identifier les éventuels freins en même temps que les facteurs facilitant la présence de médiateurs dans les services des urgences.

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Un médiateur dans un service d’urgences hospitalières : quelles missions selon les personnels ? Philippe Charrier, Karine Buchet-Poyau, Marine Delaroche-Gaudin, Marion Douplat, Laurent Jacquin, Pauline Occelli, Florence Fayard-Gonon, Véronique Potinet, Karim Tazarourte et Sandrine TouzetSanté Publique 2019/6 (Vol. 31), pages 797 à 807