Un Atlas pour tout savoir sur la santé mentale

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Paru en mai, cet Atlas de la santé mentale en France propose une photographie inédite des prises en charge et de l'offre de soin. Questions à Magali Coldefy et Coralie Gandré, directrices de l'ouvrage. Une interview parue dans Santé mentale. 

Que contient cet Atlas ?
Cet ouvrage s’intègre dans une collection de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes) consacrée à des atlas thématiques sur les disparités territoriales de santé. En santé mentale, ces disparités sont prégnantes, et concernent les facteurs de risque d’émergence des pathologies, l’organisation des soins et les accompagnements proposés. Par ailleurs, les populations concernées par des troubles psychiques sont nombreuses et très variées. Le non-recours comme les inégalités d’accès aux différentes formes de prise en charge sont également très importants. Enfin, les prises en charge sont multiples, questionnées et en pleine mutation. Même si le suivi des personnes reste encore trop souvent centré sur le soin, il s’oriente vers leur rétablissement, leur inclusion sociale et professionnelle.
La loi de modernisation du système de santé de 2016 (1) a appelé ces acteurs et les usagers à construire ensemble un Projet territorial de santé mentale (PTSM), élaboré à partir d’un diagnostic territorial partagé par les parties prenantes. De nombreuses sources d’information sont disponibles pour alimenter ce diagnostic, mais elles sont dispersées, parfois méconnues et peuvent faire oublier des champs non couverts par ces sources. C’est pourquoi nous avons conçu cet atlas, en collaboration avec l’Agence régionale de santé Provence-Alpes-Côte-d’Azur (ARS-Paca) et la Direction de la recherche, des études et de l’évaluation (Drees). L’idée d’un atlas numérique a été privilégiée, en collaboration avec l’équipe Atlasante. Il s’agit d’une base de données territorialisée qui rassemble plus de 350 indicateurs. L’Atlas de la santé mentale en France vient donc compléter cet outil interactif par une analyse descriptive. Avec ses cha-pitres thématiques, il permet au lecteur de mieux comprendre les enjeux actuels.
 
À qui est destiné cet ouvrage ?
L’atlas propose une photographie inédite des prises en charge et de l’offre de soins disponible en santé mentale sur le territoire à partir des systèmes d’information existants. Les nombreuses cartes commentées qui le composent permettent une vision synthétique et explicite. Il présente des situations spécifiques, comme celles de populations particulièrement vulnérables du fait de leur âge ou de leur milieu de vie : les enfants et adolescents, les adultes de 18 à 64 ans suivis pour des troubles psychiques fréquents ou des troubles psy-chiques sévères et persistants, les personnes âgées et la population pénitentiaire. En ce sens, il s’adresse à tous les acteurs concernés, les usagers et leurs proches, les professionnels de santé et du secteur social et médico-social, les décideurs politiques nationaux et locaux et les chercheurs. Un objectif secondaire est pédagogique : faire connaître les données existantes en France dans le champ de la santé mentale et leurs lacunes dans certains domaines, et aider les acteurs à s’approprier ces informations.
 
Pourquoi les soignants de « terrain » doivent-ils s’en emparer ?
Les disparités peuvent être en partie justifiées par des réponses à des besoins différents selon les territoires. Cependant, leur ampleur appelle à questionner les pratiques et leur pertinence. Cet ouvrage permet de réaliser une analyse objective de la situation et de faire connaître des dispositifs et initiatives émergents. L’analyse permet de diffuser des données probantes et de relativiser certaines problématiques. Par exemple, on entend souvent les professionnels se plaindre du manque de lits d’hospitalisation en psychiatrie. La France a pourtant une des densités de lits (et de psychiatres) les plus élevées des pays de l’OCDE. Un quart de ces lits sont occupés par des hospitalisations au long cours et ne sont donc pas mobilisables pour des situations de crise ou des séjours de courte durée. Chez nos voisins européens, toute une gamme de solutions résidentielles ou d’accompagnement permettant un maintien de la personne dans un logement ordinaire ont été développées, les lits étant réservés aux soins aigus. En France, le cloisonnement entre secteurs sanitaire, social, médico-social limite ces développements. De façon générale, les soignants n’ont souvent ni le temps ni les moyens d’observer la situation avec du recul, de prendre connaissances des pratiques des autres acteurs ou des autres régions, et ont peu accès à la formation. L’Atlas leur permet d’obtenir des informations générales sur les autres pratiques possibles et de se positionner par rapport aux autres territoires.

 
Quelles sont les difficultés spécifiques de collecte de données en santé mentale ?
Les données disponibles sont nombreuses mais dispersées, reflétant notre système de santé mentale. Les données médico-administratives, relatives à la consommation de soins dédiés à l’hôpital ou en ville, n’ont pas été construites à des fins de recherche ou d’études mais de gestion, et ont été longtemps moins bien renseignées que dans d’autres spécialités même si les différences tendent à s’atténuer. Par ailleurs, ces données ne permettent pas d’évaluer les questions liées au non-recours aux soins, susceptible d’être particulièrement élevé pour ces troubles souvent stigmatisés et associés à une forte errance diagnostique pouvant décourager la recherche de soins. Certains champs ne sont pas couverts ou mal couverts, tels que le secteur médico-social ou social. Peut-être plus dommageable encore, le système d’information existant ne permet pas de renseigner sur le rétablissement des usagers, leur qualité de vie, leur inclusion sociale et citoyenne.
1– Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.
 À lire. Atlas de la santé mentale en France. Coldefy M., Gandré C., Irdes, mai 2020.