Le syndrome post-traumatique… Vous reprendrez bien 10 ans de psychanalyse ? Quand SuzyQ part en formation…

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Exerçant en psychiatrie, l'infirmière SuzyQ s'interroge dans son blog sur la profession, la façon de l'exercer, le quotidien des équipes… Dans son dernier post, elle remet en cause certaines formations proposées aux infirmières dans l'EPSM où elle exerce. Dans le colimateur, 3 jours consacrées au syndrome post-traumatique… , et qui n'abordent aucune thérapie brève.

« Comment mesurez-vous l'efficacité de votre prise en charge? »

Cette question qui me brûlait les lèvres, c'est Aurélie qui la posa. Et ainsi en l'espace d'une fraction de seconde je me sentie un peu moins seule dans cette salle de formation. Et dans la lente respiration qui suivie, dans ce volume d'oxygène pourtant saturé en CO² qui vint remplir mes poumons, je sentis un agréable mieux-être se diffuser en moi.
Tellement dommage que ce sentiment n'apparaisse que si tardivement… Pendant ces 3 journées consacrées au psychotraumatisme j'avais l'impression d'être une extra-terrestre du soin.
A chaque pause j'avais entendu l'admiration que le formateur suscitait chez mes collègues. Sa longue expérience de psychologue, ses interventions au sein de la cellule psychologique locale (CUMP), son sens du détail dans la description clinique des atrocités qu'il avait expertisé provoquaient torrents de louanges et exerçaient sur les infirmiers et infirmières du groupe comme une espèce de fascination.
 
Je n'avais pas remarqué Aurélie. Introvertie, discrète, elle n'était pour ainsi dire pas intervenue durant ces 3 jours jusqu'à cet ultime tour de table. Face à l'absence de réponse de celui qui comme moi découvrait le son de sa voix, elle précisa sa question:

« Je vous ai écouté attentivement, j'ai pour l'essentiel compris le sens du travail d'analyse que vous faites avec vos patients psychotraumatisé mais quelque chose me chiffonne… Je vois pas comment vous évaluez l'efficacité de votre travail? Comment savez vous si votre travail permet à vos patients de guérir ou en tout les cas de mieux vivre avec leur trauma? Utilisez vous des grilles ou des questionnaires pour quotter leur angoisse lors de votre première rencontre puis à intervalles réguliers? »

Celui qui était aussi expert auprès des tribunaux laissa un blanc s'installer, sa racla la gorge puis répondit Aurélie:

« Je note que dans vos propos l'expression "évaluer l'efficacité" c'est bien ça n'est-ce pas?
– Oui peut-être… j'ai en effet dû dire cela….
– Pas de peut-être, vous l'avez dit.
– Et donc?
– Et donc me dites vous? Et bien je vais vous dire! "Evaluer l'efficacité" voilà une expression que je n'aime pas. Savez vous que l'humain et plus particulièrement le psychotraumatisé est un être exceptionnellement complexe qui ne saurait se laisser évaluer. Il n'est pas un robot dont on pourrait évaluer l'amélioration liée à tel ou tel changement de processeurs, logiciels ou autre. Non la complexité ne se laisse pas apprivoiser facilement…

– Je comprend et ne met nullement en cause la complexité de l'humain.  En revanche, les symptômes, ils existent quand vous rencontrez votre patient et ce que ce dernier attend c'est que vous les gommiez non?
– Peut-être… Vous savez nous proposons notre aide, nous ne l'imposons pas, c'est ensuite au patient de s'en saisir s'il estime en avoir besoin. Et puis tout ça est extrêmement variable. Certains s'améliorent au fil des séances, ils nous le disent et on le constate, d'autres arrêtent la thérapie sans qu'on en connaisse la raison, d'autre encore la poursuivent pendant des années sans avancer d'un iota. Réduire cela à une accumulation de symptômes qu'il faudrait faire disparaître comme une vulgaire liste de tâches à accomplir me semble quelque peu réducteur…
– Et ben je ne partage pas votre avis… »

Le psychotramatisme. Voilà un thème passionnant et ô combien d'actualité m'étais-je dit, en découvrant cette formation proposée au sein de l'EPSM. Il n'y avait pas plus de détail sur le contenu si ce n'est le nom du formateur et sa qualité. Un psychologue sans plus de précision sur son obédience. Je demandai à ma cadre la possibilité de participer à cette formation, ce qu'elle accepta connaissant mon projet d'un jour intégrer la CUMP de mon département (…)
Le bilan que je tire de cette formation n'est pas mitigé, il est catastrophique. Je m'explique. J'étais très enjouée à l'idée de consacrer 3 jours à étudier le psychotraumatisme. Ces près de 24h promettaient monts et merveilles ou plutôt monts de morbidités et merveilles d'atrocités. Mais rapidement le formateur aussi sympathique soit-il et aussi compétent soit-il (je rappelle formateur, psychologue clinicien, psychanalyste, expert auprès des tribunaux, membre de la CUMP etc…) a mis le feu aux poudres. Au moins dans mon cerveau…: « … alors le traitement du syndrome de stress post traumatique rentre dans le cadre d'une psychothérapie classique relativement longue… »
Qu'est-ce qu'une psychothérapie classique? …
Le problème, voyez-vous, c'est qu'a aucun moment – aucun! – sur les 3 jours de formations, ce formateur n'a abordé les alternatives à une "psychothérapie classique".
Rien sur l'EMDR,
Rien sur les Thérapies Brèves
Rien sur l'imagerie mentale
Rien sur l'hypnose
Rien sur le mindfullness ou pleine conscience
Rien sur les TCC
Rien sur la Thérapie d'acceptation et d'engagement ACT
Rien sur la Thérapie d'exposition
Rien sur le Propranolol

(…) Je ne remets pas en cause les références à la psychanalyse… Ce que je ne peux accepter c'est qu'une formation professionnelle dispensée dans un hôpital qui reçoit ponctuellement des traumatisés psychiques en grande souffrance soit aussi léger sur le contenu de ses formations…