Quelle scientificité pour la psychanalyse ?

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La Fondation européenne pour la psychanalyse organise un colloque intitulé "Quelle scientificité pour la psychanalyse ?" le samedi 16 juin de 10h à 18h au 1er étage des "Grandes marches", 6 place de la Bastille à Paris dans le 12e.

Depuis plus de vingt ans, d’importantes campagnes de presse ont contesté la scientificité de la psychanalyse, en lui laissant le rôle d’une religion datée, encore pratiquée par des sectes. La Haute Autorité de Santé a exclu de toutes ses recommandations les travaux des psychanalystes (en leur laissant quelques strapontins). Et cela sous le prétexte que les psychanalystes ne se conformeraient pas à des méthodes de vérifications et de preuves peut-être valables pour les maladies organiques, ou pour étudier en double aveugle des cohortes de souris.

Selon la H.A.S., seules ces pratiques seraient « scientifiques ». Ces méthodes sont impraticables dans la clinique du cas par cas. La grille de lecture de la H.A.S. est uniquement celle de l’ « Evidence Based Medecine », c’est-à-dire du DSM. C’est la porte ouverte au comportementalisme, et à ceux qui se réfèrent sans preuves aux neurosciences et à la génétique. Il en a résulté une exclusion progressive des psychanalystes des lieux de soins, des lieux éducatifs, et des universités, à commencer par les facultés de médecine.

Il est devenu urgent de répondre à cette question : « La psychanalyse est-elle une science ? » Elle a ses propres critères diagnostics, qui lui permettent d’ordonner les symptômes en syndromes (psychose, névrose ou perversion). Ces invariants réguliers orientent la clinique, et permettent de faire des pronostics, sur ce qu’il convient de faire et de ne pas faire, sur l’avenir proche et lointain d’un patient. A cet égard, la psychanalyse est une science conjecturale aussi efficace que l’anthropologie, ou à plus grande distance que la géologie, ou l’histoire qui, grâce à la répétition de certaines particularités et situations, permettent elles-aussi de faire des conjectures.

La psychanalyse est une science, mais elle a une spécificité unique : c’est que la clinique ne répond pas aux principes aristotéliciens du tiers exclu et de la non contradiction. La parole raisonnable refoule le symptôme, elle étouffe le lapsus, elle oublie les rêves, qui constituent un Réel dont une approche aristotélicienne ne saurait rendre compte. Elle est donc « non scientifique » en ce sens, en effet. Existe-t-il une science de l’unique ? Oui, et c’est même la condition de la Science. La preuve de ces irrégularités singulières ne saurait s’établir grâce à des méthodes comparatives. Un lapsus est unique en son genre, et il est tout de suite considéré comme « vrai » par celui qui le commet. Mais la psychanalyse peut néanmoins faire une démonstration « scientifique » grâce à une autre méthode, qui est celle des multiples témoignages de ceux qui en ont bénéficié.
 
La journée du samedi 16 juin examinera cette question de la scientificité. Sa matinée sera plus spécialement consacrée au dernier livre de Moustafa Safouan « Le puits de la vérité ». Ce livre est important pour nous : en insistant sur ce qui constitue, dans la science, une « création libre de l’esprit », mais en montrant en même temps que la « matière première de ses concepts » vient des mots du « langage ordinaire » (certes purifiés de leur ambiguïté) il nous donne les moyens de poursuivre la confrontation entre science et psychanalyse en relation avec la question de la vérité.