Les directeurs des soins ne veulent plus être « les éternels oubliés » des réformes hospitalières

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Suite à l’ouverture du Ségur de la santé, un collectif de directeurs des soins publient un manifeste (à télécharger ci-dessous) pour rappeler leur rôle stratégique et être reconnus dans leurs fonctions. Ils attendent notamment des textes législatifs pour améliorer leur statut et reconfigurer leurs missions.

Manifeste des Directeurs des soins paramédicaux, les éternels oubliés des réformes hospitalières, toujours présents mais invisibles pour l’Etat

« Suite à l’ouverture du Ségur de la santé, nous, Directeurs des soins, voulons rappeler notre rôle et place dans l’organisation des activités des soins et le fonctionnement des établissements pour que l’État nous écoute enfin et passe aux actes. Notre inquiétude est fondée sur le fait que depuis plus de 10 ans, nous avons toujours et trop souvent été oubliés voire niés lors des réformes hospitalières et chaque nouvelle gouvernance a abouti à un assèchement de nos fonctions.Il nous a fallu à chaque fois nous adapter, nous reconstruire et retrouver du sens à notre fonction. Nous refusons de revivre cela après la crise sanitaire et les décisions de modifications de gouvernance suite au Ségur. A aucun moment, depuis la crise sanitaire et même avant, nous, qui sommes les responsables et organisateurs des activités de soins et paramédicales n’ont été cités ni même évoqués. Nous ne sommes même pas représentés dans la concertation du Ségur de la Santé.

Pourtant, dans le système hospitalier, que ce soit en gestion ou formation des professionnels paramédicaux, que ce soit en crise ou en fonctionnement normal, nous avons démontré notre place incontournable, notamment en matière d’organisation des soins, de respect de la qualité des soins, de formation et de développement des compétences professionnelles de l’ensemble des paramédicaux. Sur la gestion de la crise, dans les établissements nous avons anticipé, préparé, ajusté et réajustéles organisations de soins et de formation adaptant, du fait de l’épidémie et de l’état de crise sanitaire, avec les réponses inédites à apporter aux besoins critiques, les ressources disponibles et celles cruellement manquantes, et les recommandations et consignes nationales et locales évoluant de jour en jour, quelquefois d’heure en heure et souvent de manière contradictoire. Avec l’encadrement supérieur de santé et de proximité et les équipes médicales comme au sein des équipes de direction, il nousa fallu revoir les organisations de travail, prévoir les effectifs et la transformation des lits et assurer l’adaptation des services et unités à l’accueil prioritaire et en sécurité des patientsCovid. Nous avons dû composer en organisant rapidement des prises en charges adaptées, répartissant les effectifs tout en tenant compte simultanément des compétences nécessaires et de la charge en soins conséquente. Nous avons dû assurer la mobilisation de personnels inquiets, à juste titre, des manques récurrents d’EPI, de matériels et de produits en très forte tension.Nous avons dû aussi coordonner les personnels mobilisés, dans le respect des propositions et des compétences de chacun, proposer au sein des cellules de crise et dans les unités le bon dimensionnement de dispositifs économes en ressources matérielles et humaines, pour les préserver dans la durée, en gardant en réserve des professionnels et en leur accordant les repos indispensables. Dans les instituts, nous avons mis en place une pédagogie à distance dans l’urgence en fonction des outils informatiques et des ressources numériques parfois défaillantes. Dans ce contexte inédit, nous avons dû garantir de bonnes conditions d’apprentissage : redistribuer les stages et retrouver des places, redimensionner les périodes (stages/formation), prendre en compte les situations socio-économiques personnelles, tout en maintenant les chances de réussite et l’acquisition des compétences des étudiants. Nous avons dû répondre aux sollicitations des partenaires (gardes d’enfants, appui aux équipes, appui dans les EHPAD…). Nous avons collaboré entre collègues des ARS, desétablissements de soins et desinstituts de formation afin de maintenir laformation des futurs professionnels, qui viendront relayer, cet été, les équipes sollicitées et épuisées. Toujours avec nos collègues des ARS, nous avons préservé l’encadrement des étudiants paramédicaux qui ont pu ainsi constituer de précieuses forces supplémentaires dans les équipes soumisesà rude épreuve. Enfin, nous nous sommes rendus totalement disponibles auprès de nos collègues directeurs dans une dynamique collective maintenue mais très éprouvante et sans craindre pour notre propre santé car comme tous les professionnels de santé, nous avons étéont été présents dès le premier jour de la crise et en conséquence exposés au virus.

Tout ceci démontre encore et toujours que les directeurs des soins ne peuvent plus être les éternels oubliés des débats sur la gouvernance et les différentes concertations au Ministère ou à la DGOS. Car la crise que nous avons traversée ne se terminera pas avec le déconfinement. Les plans de reprise progressive d’activité des établissements et instituts apportent déjàleur lot de difficultés organisationnelles et nous sommes toujours là. Alors, excusez nous, mais cette place, nous l’avons chèrement acquise au fil des années en démontrant sans cesse notre connaissance du terrain, notre expérience et notre engagement fort pour le système hospitalier et le respect dusoin apporté aux patients. Nous avons sans cesse lutté pour une reconnaissance de la profession infirmière et des autres paramédicaux. D’ailleurs, l’intégration de la formation en soins infirmiers dans le système LMD en 2009, et par la suite celle d’autres professions paramédicales,la recherche en soins infirmier avec le lancement en 2009, d’un appel à projets relatif au Programme Hospitalier de Recherche Infirmière (PHRI), puis paramédicale en 2010,la nomination du directeur des soins, président de la commission des soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques comme membre de droit du directoire, sont des dispositions qui ont permis d’une part à la profession infirmière et aux professions paramédicales une meilleure reconnaissance et d’autre part une position stratégique des directeurs des soins dans les établissements hospitaliers. Nous souhaitons aussi vous rappeler que le soutien de la profession infirmière et paramédicale par les directeurs des soins s’est aussi faite par l’éducation thérapeutique des patients dont l’initiative revient à la profession infirmière, les pratiques avancées que les directeurs des soins avaient mis en place dans certains établissements dès le début des années 2010 et qu’ils développent dans les établissements de soins aujourd’hui. Nous avons toujours été présents pour travailler avec nos collègues à la modernisation des établissements de santé, passant par l’amélioration du parcours patient, le renforcement des réseaux ville-hôpital, les enjeux de santé publique, d’attractivité et de fidélisation des professionnels de santé. Parallèlement, quand il s’agit de parler de nous. Rien. Or, nous, directeurs des soins, sommes toujours dans l’attente des textes qui améliorent notre statut, afin de rattraper le retard pris depuis plus de 15 ans par un alignement des grilles indiciaires et du régime indemnitaire sur celui de nos collègues adjoints des équipes de direction. Nous attendons aussi ceux qui reconfigurent le rôle et missions des commissions de soins infirmiers de rééducation et médico-techniques (CSIRMT) et qui devrait à minima être le pendant paramédical des Commissions Médicales d’Etablissement. Ainsi, même si nous sommes membres de droit des directoires des établissements hospitaliers, nous refusons de perdre une partie de notre rôle stratégique au sein des établissements de santé car il nous sera difficile d’impulser et de donner de la cohérence aux projets. Dans tous les pays européens, les Directions de soins gèrent les paramédicaux en toute autonomie et offrent un réel service aux patients. Il n’y a qu’en France, où nous restons les éternels oubliés. Enfin, nous vous demandons de tenir compte de noscompétences et nosresponsabilités ainsi que l’utilité sociale de nos fonctions car, issus majoritairement de la profession infirmière que la France rémunère bien en dessous de la moyenne des pays européens, notre absence de considération est en faitrévélatrice del’absence de considération de tous les professionnels du soin. »

  • Manifeste des Directeurs des soins paramédicaux, les éternels oubliés des réformes hospitalières, toujours présents mais invisibles pour l’Etat, Collectif de directeurs des soins, coordonateurs généraux de soins des établissements de santé et instituts de formtion, 27 mai 2020, en pdf