Le Conseil d’Etat présente sa lecture du modèle bioéthique français

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A la demande du Premier ministre, Edouard Philippe, le Conseil d’État propose son éclairage en amont de la révision de la loi de bioéthique. Son étude rappelle les trois valeurs qui définissent le modèle français : la dignité, qui domine celles de la liberté et de la solidarité.

Le Conseil d'Etat présente sur son site l'intégralité de cette étude, réalisée après des auditions de nombreux acteurs.

L'institution livre en premier lieu sa lecture du modèle bioéthique français fondé sur le triptyque dignité, liberté, solidarité, et que toutes les législations cherchent à concilier entre ces principes. Ce modèle repose sur :
– la place prééminente du principe de dignité qui se traduit par une protection particulière du corps humain : respect, inviolabilité et extra-patrimonialité du corps
– la prise en compte du principe de liberté individuelle, qui s’exprime à travers l’obligation de consentement, le droit au respect de la vie privée, l’autonomie du patient
– l’importance accordée au principe de solidarité, avec une certaine conception du don altruiste, l’attention portée aux plus vulnérables et la mutualisation des dépenses de santé.

Ce modèle est aujourd’hui confronté à trois évolutions : les avancées scientifiques, parfois vertigineuses depuis 2011, des aspirations sociales qui réclament l’assouplissement de certaines règles au nom du principe d’égalité et du respect dû à la vie privée, une confrontation aux modèles d’autres pays à cause d’un rétrécissement du monde, intensifié par internet et une plus grande mobilité.

L’étude aborde ensuite, de manière plus prospective, les questions suscitées par ces récentes évolutions, qu’elles touchent au génome, à la recherche sur l’embryon, au développement des neurosciences ou à l’intelligence artificielle et aux « big data ».

A propos de la fin de vie, relevons que le Conseil d'Etat considère comme une priorité « l’accès à des soins palliatifs de qualité » pour tous, « condition indispensable à l’expression d’une volonté libre et éclairée du patient dans les derniers moments de la vie et, plus largement, un préalable à toute réflexion éthique aboutie sur la question de la fin de vie. »

Il juge par ailleurs que les dispositions actuelles (issues des lois dites Leonetti et Claeys-Leonetti) sur les décisions d’arrêt des traitements permettent de répondre à l’essentiel des demandes sociales d’une aide médicale à mourir, dans la mesure où elles donnent la possibilité au malade d’obtenir l’arrêt de l’ensemble des traitements qui lui sont prodigués, une sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès et, le cas échéant, une intervention médicale ayant «comme effet d’abréger la vie ». Le Conseil d’État estime ainsi qu’« il n’est pas souhaitable de modifier l’état du droit qui prohibe l’aide au suicide et l’euthanasie, en raison du caractère récent de la loi Claeys-Leonetti, adoptée dans un large consensus au terme d’un débat approfondi, des carences persistantes en matière d’accès aux soins palliatifs et enfin de l’impact symbolique particulièrement négatif pour les personnes les plus vulnérables (sentiment imposé de l’indignité ou de l’inutilité de leur vie). Il souligne en outre qu’une assistance médicale au suicide serait en contradiction avec les missions de la médecine telles que définies par le code de déontologie médicale. »

  • Étude à la demande du Premier ministre. Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ? Conseil d'Etat, juillet 2018, disponible en pdf