La psychiatrie, toujours la plus touchée par les violences à l’hôpital

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En 2018, l'Observatoire national des violences en milieu de santé (ONVS) a recencé 23 360 signalements d'atteinte aux personnes et aux biens, soit 6% de plus qu'en 2017. Comme dans les précédentes éditions, les chiffres du rapport annuel doivent être appréhendées avec précaution : d'une part, moins de 7% des établissements de santé ont déclaré des événements, d'autre part, les caractéristiques des incidents restent très hétérogènes d'un lieu à l'autre. Si la psychiatrie reste le champ le plus touché par ces faits, le rapport souligne un contexte sociétal « où les relations entre les soignants et les patients et/ou leurs accompagnants peuvent dégénérer en un trait de temps à la suite d’un différend, voire d’une simple incompréhension, détériorant ainsi le caractère équilibré de l’alliance thérapeutique et de la relation de confiance qui affectent de facto la qualité des soins. »

Depuis 2005, l’ONVS recueille, sur la base du volontariat, les signalements de faits de violence commis au sein d’établissements de santé, afin d'élaborer et diffuser des outils et des bonnes pratiques, et d'encourager la coordination des acteurs de terrain. Du côté des chiffres, le rapport pointe les éléments suivants :
– 23 360 signalements ont été déposés par 426 établissements déclarants. 80% concernent des atteintes aux personnes, dont 18% sont liées directement à un trouble psychiques ou neuropsychique (TPN). 20% sont des signalements d’atteintes aux biens (dont 2% sont liées directement à un TPN).
– Les services qui déclarent le plus sont la psychiatrie (19,3%), les Urgences (16%), et la gériatrie (Unités de soins longue durée et EHPAD) (11%).
– Parmi les victimes d’atteintes aux personnes, les « personnels » représentent 82% du total : 94% pour les personnels de santé dont 9% de médecins, 47% d’infirmiers, 44% d’AS et autres soignants et 6% pour les personnels administratifs. Les patients représentent 10% des victimes, les agents de sécurité 5%, les visiteurs 1%, les autres 2%.
– 21 944 auteurs de violences aux personnes ont été recensés : patients (71%) ; accompagnateurs et visiteurs (19%); autres (7%), personnels de santé (3%).
– Les motifs concernent très majoritairement un reproche relatif à la prise en charge du patient (59,1%). Le temps d’attente arrive en deuxième position mais de façon bien moindre (13,3%), devant l’alcoolisation (11,6%), les règlements de comptes dont des conflits familiaux (6,5%), les drogues (3,3%), les refus de prescriptions (3,1%), les diagnostics non acceptés (1,9%), les suicides et tentatives (1,2%). On note également des violences pour prise de photos ou de films, atteinte au principe de laïcité…

Focus sur la psychiatrie

La psychiatrie fait l'objet d'un chapître, illustré de nombreuses extraits de signalements. Il s’agit d’un secteur où le personnel est particulièrement exposé aux agressions physiques avec ou sans arme, aux menaces et aux abus verbaux et aux dégradations de biens. Le plus souvent, les atteintes sont liées à la pathologie des patients. Cette violence s’exprime dans les entités psychiatriques comme les CMP, les hôpitaux de jour, les UMD et les UHSA. Le rapport note que « les professionnels sont investis et conscients de la particularité de cette discipline, et ils sont également conscients de leur exposition et de leur vulnérabilité. En revanche, la perception de la violence n’est toutefois pas la même pour tous. Il apparaît clairement, au regarddes signalements recueillis et des visites effectuées, que le seuil de tolérance est différent selon les individus, le type de violences exercées, l’ancienneté dans le service, la composition et la cohésion des équipes. » Des recommandations en termes de formation sont énoncées, ainsi que sur l'harmonisation des pratiques. Le rapport relève ainsi quelques déterminants de l’agressivité en milieu de soins hospitalier psychiatrique et de la façon de pouvoir y remédier.

Intolérance à la « frustration »

La nouveauté de ce rapport se situe dans des analyses transversales à tous les services. Par exemple, les personnels soignants reprennent régulièrement dans les signalements le mot «frustration», définie comme « une réaction violente, verbalement et/ou physiquement, à une ou à des contrariétés de tous ordres. Elle est souvent imprévisible et soudaine dans ses manifestations lorsque l’auteur souffre d’une pathologie ou est en manque ou encore sous l’emprise d’un état alcoolique. Ces effets peuvent se déclencher moins rapidement avec n’importe quel citoyen contrarié, sain de corps et d’esprit, mais avoir des manifestations tout aussi violentes. On pourrait parler de colères froides. »

Plus globalement, les rapporteurs inscrivent cette violence dans le contexte sociétal où « par ailleurs, le respect de l’autorité et du cadre sont particulièrement mis à mal. (…) La question fondamentale pour les personnels de santé est de savoir quelle relation d’autorité (quel niveau de fermeté) doit être instaurée avec le patient et/ou l’accompagnant et sous quelle forme appropriée afin d’entretenir une relation équilibrée nécessaire à la dispensation des soins. Comment, d’ailleurs, continuer à soigner dans une relation de rapport de force et de violence ? Les principes élémentaires de civisme et de vie en société ont besoin d’être remis à l’honneur dans les établissements de soins. »

  • Observatoire national des violences en milieu de santé (ONVS), Rapport 2019, Données 2018, Direction générale de l'offre de soins, à télécharger sur le site du ministère.