L’Odre infirmier présente 4 propositions d’amendement pour la réforme de la santé

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L’examen en séance publique du projet de loi de transformation du système de santé débutera le 18 mars prochain. En amont, les rapporteurs du projet de loi, Thomas Mesnier (Charente) et Stéphanie Rist (Loiret), ont auditionné l’ensemble des ordres des professions de santé. Dans ce cadre, l’Ordre national des infirmiers a formulé son avis sur le projet de loi et présenté 4 propositions d’amendements « pour une réforme plus globale et plus efficace » :

– assouplissement du cadre légal d'intervention de l'exercice infirmier (afin, notamment, de mieux répondre à l'enjeu des déserts médicaux) ; 

– plus grande autonomie de l'exercice infirmier en pratique avancé, qui doit pouvoir s'exercer en lien avec les autres professionnels de santé, mais sans pour autant systématiser la "coordination des soins par un médecin".

– revenir sur le projet qui consiste à favoriser le financement et l'intervention d'assistants médicaux au sein des communautés professionnelles de territoires de santé ;

– instaurer la certification et la valorisation périodique pour tous les professionnels de santé, et pas seulement pour les médecins, dans une logique de droit à l'information du patient.

L'Ordre précise ses positions dans le communiqué ci-dessous :

Les objectifs du projet de loi de transformation du système de santé sont louables : renforcer la coordination des soins de proximité est une nécessité incontestable. Il faut également saluer l’approche du Gouvernement, plus pragmatique que celle adoptée dans le passé, reconnaissant qu’il convient de « partir des besoins des patients et des professionnels de santé, qui sont les meilleurs experts de leur situation », souhaitant un « assouplissement des contraintes » et un « décloisonnement à tous les niveaux ».  
Toutefois, au-delà de ces intentions de bon aloi, force est de constater que le texte présenté manque singulièrement de vision globale et collective et qu’il fait preuve d’un médico-centrisme particulièrement affirmé venant en contradiction avec la volonté de promouvoir la coordination des professionnels de santé autour du patient. On peut également regretter un usage immodéré des ordonnances qui limitera par essence le débat démocratique. 

Déserts médicaux et cadre légal d’intervention de l’exercice infirmier
Pour lutter contre les déserts médicaux le projet de loi ne présente que des mesures en faveur des médecins (article 4 sur les contrats d’engagement de service public ou article 5 sur le médecin adjoint) alors qu’il conviendrait d’adopter une approche prenant en compte toutes les professions intervenant auprès des patients. A titre d’exemple, ce qui empêche aujourd’hui qu’une bonne coordination des soins se réalise de manière fluide c’est la trop grande rigidité des cadres de compétences des différentes professions tels qu’ils sont autorisés par la loi. Ainsi, le développement du rôle infirmier dans le premier recours et l’élargissement des compétences des infirmiers sont des réponses adoptées par de nombreux pays avec succès. Pour ce faire, le cadre légal de l’exercice infirmier nécessiterait d’être assoupli pour mieux fluidifier l’exercice coordonné.
Ainsi, l’Ordre préconise que l’infirmier puisse prescrire les examens de contrôle du patient diabétique dont il assure le suivi. De même dans la prise en charge de la douleur, la prescription d’antalgiques de pallier 1 devrait être possible, comme le préconise la Cour des comptes dans son chapitre sur les urgences (1) de son dernier rapport annuel. L’usage de certains produits tels que les solutions antiseptiques utiles lors de la pose ou de la dépose des dispositifs médicaux que les infirmiers prescrivent déjà serait également facilité. Cette mesure sera source de simplification pour les professionnels autant que pour les patients, et source potentielle d’économies pour l’assurance maladie.  
Concernant l’exercice en pratique avancée, son cadre légal souffre d’une mise sous tutelle des médecins alors que cette pratique avancée doit pouvoir jouir d’une plus grande autonomie, certes en lien avec les autres professionnels de santé, dont le médecin.
En 2016, lors des débats parlementaires conduisant à l’introduction de l’exercice en pratique avancée des auxiliaires médicaux, l’article L. 4301-1 du code de la santé publique s’est vu compléter d’une notion de « coordination des soins par un médecin ». En réalité, le professionnel de santé en pratique avancée n’intervient pas sous la coordination d’un médecin. Il peut d’ailleurs être lui-même chargé de cette coordination. La publication des textes réglementaires relatifs à la pratique avancée et les cas d’usage de cette pratique étant désormais plus clairement définis, il se révèle que cette mention place les professionnels de santé dans une situation délicate puisqu’en l’absence de coordination par le médecin, ils ne devraient pas légalement pouvoir exercer. Il convient donc dans un souci de sécurité juridique de l’exercice en pratique avancée de supprimer cette mention.

Les assistants médicaux : future source de confusion dans les communautés professionnelles de territoire de santé
L’article 19 du présent projet de loi habilite le Gouvernement à prendre « toute mesure relevant du domaine de la loi permettant de favoriser le développement de l’exercice coordonné au sein des communautés professionnelles territoriales de santé, des équipes de soins primaires, des centres de santé et des maisons de santé »  avec notamment pour objectif de « prévoir les conditions d’emploi et de rémunération par la structure de professionnels participant à ses missions, ainsi que des personnels intervenant auprès de médecins pour les assister dans leur pratique quotidienne ». Cette mesure vise clairement à faire financer les assistants médicaux par les structures d’exercice coordonné telles que les équipes de soins primaires, les centres et maisons de santé, les CPTS.  
Les assistants médicaux, profession qui n’a d’ailleurs aucune existence juridique à ce stade puisque seule la convention médicale les considère, n’ont aucunement vocation à exercer dans des structures de soins coordonnés aux côtés d’autres professionnels de santé et encore moins à être financés par ces structures donc par l’ensemble des professionnels qui les composent. Dans les CPTS, les maisons de santé, les centres de santé exercent des professionnels de santé, soumis à un cadre réglementaire et déontologique, et l’introduction des assistants médicaux n’y serait qu’une source majeure de confusion d’autant que le Gouvernement entend leur conférer des fonctions soignantes. L’Ordre des infirmiers s’oppose donc très fermement à cette disposition qui ne pourra qu’instaurer le trouble dans l’esprit des patients et provoquer des conflits avec les professionnels de santé.
 

La certification et la valorisation périodique pour tous  les professionnels de santé  
L’article 3 du projet de loi habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance afin d’introduire le dispositif de recertification des professionnels de santé qui vient de faire l’objet de préconisations dans le rapport du Professeur Serge Uzan. Toutefois, la disposition est limitée aux seuls médecins alors que les autres professions de santé sont évidemment concernées. C’est le cas des infirmiers. Au Royaume-Uni par exemple, le dispositif de « revalidation » a été mis en place depuis avril 2016 pour les infirmiers qui doivent tous les trois ans se livrer à leur revalidation incluant notamment le suivi obligatoire d’actions de développement professionnel continu.  
La recertifiction repose sur une véritable mise à jour continue des compétences par l’analyse des pratiques et s’inscrit pleinement dans une logique de droit à l’information du patient.  
Au moment où l’on parle d’équipe de soins, de collectif de soins autour du patient, de communauté professionnelle, réserver cette recertification aux seuls médecins, alors qu’elle est un gage de qualité et de sécurité des soins dus aux patients, n’aurait pas de sens. 

1– https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-02/08-urgences-hospitalieres-Tome-2.pdf