Isolement-contention : l’Unafam dénonce une réforme « en trompe-l’œil »

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Analysant la récente réforme des mesures d’isolement et de contention, l’Union nationale des familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques (Unafam) relève qu’elle aura une portée limitée du point du vue des droits des patients et estime qu’il s’agit «d’une réponse en trompe-l’œil à la décision du Conseil constitutionnel».

Contraint d’élaborer dans l’urgence une loi instituant un contrôle judiciaire des mesures d’isolement et contention, le législateur n’a répondu que de façon très formelle en modifiant l’article du code de la santé publique relatif aux pratiques d’isolement et de contention (L3222-5-1) dans le cadre des soins psychiatriques sans consentement par le vote de l’article 84 de la loi 2020-1576 du 14 décembre.

Saisine du Juge des Libertés et de la Détention (JLD) par les proches ou par le patient ?

Cette proposition a une portée limitée car les proches ne sont pas toujours identifiés. Dans 40% des cas de patients admis sur décision du préfet (ex-Hospitalisation d’Office) ou en « péril imminent », les familles ou les proches ne sont pas nécessairement connus du service d’accueil. De plus, les réticences des familles à engager des actions mettant en cause une décision médicale, par crainte de « représailles », sont bien connues.

Quant au patient en isolement, généralement sous sédation, s’il a encore la lucidité de demander à quitter la chambre de soins intensifs au bout de 48 heures, a fortiori de 24 heures lorsqu’il est sanglé sur un lit, on peut douter que cette demande soit interprétée par les soignants comme une demande de saisie du JLD.

Quel rôle pour le JLD ?

Le rôle du JLD reste cependant inchangé. Il est limité au contrôle du respect des règles formelles d’admission en soins sans consentement, l’isolement et la contention n’étant qu’une de ses formes, sans s’immiscer dans une appréciation de leur pertinence médicale. Il est certes rappelé que la décision du psychiatre doit être « motivée » et prise « de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque après évaluation du patient ». Mais le juge ne disposera d’aucun guide pour apprécier le respect de ces principes. La suggestion de l’Unafam que le JLD puisse solliciter un avis médical externe pour appuyer sa décision a été rejetée.

Cette loi n’est donc qu’une réponse en trompe-l’œil à la décision du Conseil constitutionnel! Un véritable contrôle des mesures d’isolement et de contention aurait dû impliquer une réelle intervention systématique par un JLD, avec renforcement des effectifs de magistrats.

L’Unafam invite les représentants d’usagers en commission des usagers (CDU) et en Commission départementale des soins psychiatriques (CDSP) à demander:

  • Que les décisions de mise en isolement ou contention ont bien été motivées en tenant compte de l’équilibre bénéfices-risques.
  • Qu’une procédure soit définie pour informer sans retard les proches de toute mise en isolement dépassant 48 heures (ou 24 heures pour les mises en contention) et des modalités de saisine du JLD.
  • Que tous les documents sur les droits des patients (livret d’accueil, affichages…) soient révisés rapidement pour mentionner le droit de saisir le JLD dès que les mises en isolement ou contention dépassent les durées définies.
  • Le gouvernement s’étant engagé à accompagner cette réforme par des financements, qu’une quantification soit faite des besoins en aides techniques et humaines nécessaires pour que les services de psychiatrie puissent la mettre en œuvre, en particulier concernant le registre informatisé de l’isolement-contention.

Enfin, l’Unafam déploiera tous les moyens permettant d’informer les familles du droit de saisir le JLD quand elles sont informées que leur proche est mis en isolement ou contention et des modalités de cette saisine (lettre-type, adresse du tribunal judiciaire (ex-TGI) …).

En conclusion, cette modification de la loi constitue une réelle opportunité de mener une réflexion sur des pratiques d’un autre âge. L’Unafam espère que cette loi permettra d’en diminuer le nombre et pour les décideurs politiques d’affirmer la suppression à moyen terme de la contention. Réussir cette réforme est un véritable enjeu pour la psychiatrie. Mais garantir la protection des droits fondamentaux des personnes en soins sans consentement requiert un plan ambitieux. 15 millions d’euros n’y suffiront pas.

Pack ISOLEMENT ET CONTENTION

N° 210 Isolement et contention « en dernier recours »
N° 222 Pour restreindre l'isolement et la contention
N° 260 Isolement et contention : faire autrement ?
N° 286 Comment éviter isolement et contention ?

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