59 propositions pour l’attractivité des métiers du grand âge

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Myriam El Khomri, ancienne ministre du Travail, a présenté le 29 octobre à Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, son plan de mobilisation nationale en faveur des métiers du grand âge pour la période 2020-2024. Après quatre mois de travail d'une petite douzaine d’experts, d’élus et de professionnels, la mission alerte le gouvernement sur « un système devenu complètement fou, où l’organisation administrative et les enjeux tarifaires ont pris le dessus sur la qualité du service et du travail des salariés ».

59 mesures sont déclinées pour « réhumaniser » les métiers des quelque 830 000 salariés qui soignent, accompagnent, soutiennent le dernier âge de la vie. Leur mise en œuvre impliquerait de dégager 825 millions d’euros dès 2020.

Agnès Buzyn a salué ce rapport, qui « constitue une feuille de route à la fois courageuse, innovante et opérationnelle ». La mise en œuvre de ces propositions requérant l’adhésion et le volontarisme de nombre d’acteurs, en premier lieu les collectivités territoriales, les partenaires sociaux et les employeurs, la ministre a notamment annoncé l’organisation prochaine d’une conférence sociale destinée à les examiner. Coprésidée avec Muriel Pénicaud, cette conférence a vocation à mettre en ordre de marche l’ensemble des responsables pour déployer les mesures ayant trait à l’amélioration de la qualité de vie au travail, de la formation et des rémunérations, particulièrement dans le secteur du domicile. Par ailleurs, les mesures relevant plus particulièrement des champs de compétences des collectivités territoriales, régions et départements, seront soumises à une concertation et pourront être déployées dans le cadre d’une contractualisation entre l’Etat et ces collectivités, respectueuse des compétences de ces dernières. Ce travail sera conduit en lien étroit avec Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales.

Enfin, la mobilisation nationale pour l’attractivité de ces métiers s’intégrera à la réforme globale du grand âge et de l’autonomie, qui sera présentée à la fin de l’année 2019 par la ministre des solidarités et de la santé.

Selon la synthèse des auteurs du rapport, les principaux constats sont les suivants :

  • De forts besoins en recrutement dans les métiers du grand âge

– Les personnes en perte d’autonomie (au sens des bénéficiaires de l’APA) passeront de1,387 million en 2020 à 1,479 million en 2025.
– Pour répondre au vieillissement démographique et améliorer les conditions de prise en charge de ces personnes, près de 93 000 postes supplémentaires devront être créés dans les 5 prochaines années (2020-2024).
– Pour pourvoir les postes vacants, 260 000 professionnels devront être formés sur la même période.
– Les métiers du grand âge sont des métiers d’avenir, porteurs de sens, pour lesquels des perspectives d’évolution doivent être renforcées dans les EHPAD et créées pour le domicile.

  • Des métiers du grand âge peu attractif et à revaloriser

– Or, les professions d’ aide-soignant et accompagnant éducatif et social qui sont les deux grands métiers du grand âge sont des métiersdont l’attractivité est aujourd’hui très dégradée. La baisse de 25% en six ans des candidatures aux concours d’accès à ces deux métiers est très révélatrice à cet égard.
– En effet, ces métiers peuvent être mal rémunérés, en particulier au domicile, avec un démarrage au SMIC, voire en-dessous, des progressions salariales et de façon générale des perspectives d’évolution qui sont très faibles. En conséquence, un taux de pauvreté élevé parmi ces métiers, par exemple 17,5% de ménages pauvres parmi les intervenants à domicile contre 6,5% en moyenne pour l’ensemble des salariés.
– De plus, les conditions d’exercice de ces métiers sont très difficiles notamment par manque d’effectif. Les postures, les rythmes de travail sont marqués par une forte pénibilité et se traduisent par un nombre d’accidents du travail et de maladies professionnelles (« sinistralité ») trois fois supérieur à la moyenne nationale.
– Enfin, ces métiers sont mal connus et peu considérés, en particulier parmi les jeunes générations. Du reste, cette dévalorisation est le reflet du regard contemporain porté sur nos aînés et, de manière générale, sur les plus fragiles dans notre société.

  • Des efforts indéniables des autorités publiques pour restaurer l’attractivité de ces métiersmais aux effets insuffisants

– Les pouvoirs publics (Etat, conseils départementaux et régionaux) ont déployé d’indéniables efforts pour tenter de restaurer l’attractivité des métiers du grand âge, en agissant sur deux composantes majeurs que sont les formations et la qualité de vie au travail, grâce à la mise en place de réformes, à la mobilisation de financements et à un soutien résolu aux démarches d’innovations technologiques et organisationnelles.
– Toutefois, ces efforts ont eu des effets limités, en raison de leur caractère dispersé et de l’incomplétude de certaines mesures. Ainsi la réforme générale de l’apprentissage, destinée à libérer l’offre, n’a-t-elle eu qu’un effet limité sur les formations d’aides-soignants et d’accompagnants éducatifs spécialisés qui sont par ailleurs soumises à des formes de quotas(limitations de capacité imposées dans les agréments et autorisations des structures de formation).
– Par ailleurs, les organisations professionnelles des métiers du grand âge restent extrêmement cloisonnées et foisonnantes (conventions collectives, opérateurs de compétences). Dans le secteur privé, les métiers du grand âge relèvent par exemple toujours de 7 conventions collectives à l’heure actuelle.

59 mesures

Globalement, la mission identifie 5 axes : assurer de meilleures conditions d'emploi et de rémunération ; réduire la sinistralité et améliorer la qualité de vie au travail ; moderniser les formations ; transformer les organisations ; mieux coordonner les acteurs et les finacements. Parmi les 59 mesures, relevons :

– Ouvrir 18 500 postes supplémentaires par an d’ici à fin 2024 ;
– Remettre à niveau au 1er janvier 2021 les rémunérations inférieures au SMIC Mesure 2 : dans les grilles des conventions collectives à domicile et prendre en compte l’impact financier associé dans la tarification pour les conventions collectives soumises à agrément national ;
– Imposer 4 heures de temps collectifs par mois d'équipe à domicile et en EHPAD ;
– Mettre en place un baromètre national sur la qualité de vie au travail pour ces professions ;
– Supprimer le concours d’aide-soignant (AS) pour la formation initiale et l’apprentissage et assurer l’inscription dans les centres de formation via Parcours suppour la formation initiale ;
– Supprimer toute possibilité de quota national pour les entrées en formation d’AS ;
– Garantir systématiquement la gratuité de la formation, hors frais d’inscription, quelle que soit la situation du candidat ;
– Rapprocher les référentiels et les instituts de formation des aides-soignants et des accompagnants éducatifs et sociaux, dans la perspective d’une fusion à terme des référentiels de formation ;
– Porter à 10 % d’ici 2025 la part des diplômes d’aide-soignant et d’accompagnant éducatif et social obtenus par la voie de l’alternance ;
– Ouvrir aux aides-soignantes de la fonction publique un grade terminal en catégorie B ;
– Reconnaître les glissements de tâches et les sécuriser dans le cadre de protocoles nationaux habilitant les aides-soignants et les accompagnants à les pratiquer ;
– Reconnaître l’intérêt de la pratique avancée infirmière en gérontologie et soutenir son développement ;
– Innover dans la coordination territoriale des acteurs par la promotion d’un nouveau métier : « care manager ».

  • Plan de mobilisation nationale en faveur de l'attractivité des métiers du grand âge, Rapport remis à la ministre des Solidarités et de la santé établi par Myriam El Khomri, octobre 2019, en pdf.