Gouvernance hospitalière : la référence doit rester le service de soins !

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Dans le cadre de Ma Santé 2022, la mission menée par le Pr Olivier Claris sur la gouvernance et la simplification hospitalière formule 56 recommandations dont 20 principales.
Elle s’est appuyée sur des visites de terrain, des auditions, un questionnaire auquel 6 507 cadres et praticiens hospitaliers ont répondu, un séminaire de travail et l’analyse de nombreuses contributions écrites reçues. A la lumière des enseignements tirés de la crise du Covid-19 les hospitaliers plébiscitent le retour en force du "service de soins, qui apparaît comme le niveau de référence pour les équipes soignantes comme pour les patients"  et  se trouve aujourd'hui dévalorisé et écarté de la gouvernance
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– La perte d’attractivité de l’exercice à l’hôpital public pour l’ensemble des soignants est la problématique majeure soulevée par la plupart des interlocuteurs de la mission. Elle est notamment liée à des conditions de rémunération jugées insuffisantes au regard de contraintes assumées pour leur plus grande part par ces professionnels, comme la permanence des soins, les missions de recours, la prise en charge sociale. Le fonctionnement des services avec un nombre de professionnels de plus en plus restreint, les dysfonctionnements du quotidien, l’implication insuffisante des acteurs de terrain dans la gouvernance grèvent également l’attractivité de l’hôpital public. Les cloisonnements entre les services eux-mêmes (services cliniques, services du plateau technique, services supports) sont également mis en avant.
– Le service de soins, qui apparaît comme le niveau de référence pour les équipes soignantes comme pour les patients, a vu sa place progressivement dévalorisée et s’est trouvé écarté de la gouvernance. La reconnaissance réglementaire de la fonction de chef de service et de ses responsabilités en matière de qualité et de sécurité des soins, de qualité de vie au travail des équipes, et d’encadrement des internes et des étudiants en santé (recommandation n°14), ainsi que la valorisation de sa responsabilité par une rémunération spécifique (recommandation n°18) concrétiseraient l’importance du service dans la gouvernance. Le développement de l’intéressement collectif des équipes (recommandation n°20) et le renforcement du binôme constitué par le chef de service et le cadre de santé (recommandation n°17) seraient des leviers forts pour réinvestir et revaloriser cet échelon capital. Via les pôles, les chefs de service s’impliqueraient réellement dans la définition de la stratégie médicale et seraient force de proposition auprès des instances de gouvernance.
Le rôle fondamental joué par l’encadrement paramédical dans le bon fonctionnement hospitalier est souligné par la mission. Ce constat renforce encore la pertinence de faire du binôme chef de service –cadre un attelage managérial central.
–  La place essentielle que doit retrouver le service de soins ne doit pas remettre en cause l’existence des pôles. Leur utilité a été reconnue par la grande majorité des acteurs hospitaliers rencontrés par la mission. Chacun à leur place, services et pôles doivent s’insérer dans une dynamique fluide à trois niveaux : services / pôles / établissement.
– Le maillon capital de la gouvernance qu’est le binôme directeur – PCME (président de la commission médicale d’établissement) est perçu positivement par les intéressés eux-mêmes, qui estiment globalement qu’il fonctionne bien. Pour autant, les auditions comme les réponses au questionnaire ont fait apparaître parfois des difficultés, d’où la nécessité de poser un cadre général destiné à garantir que la pratique communément répandue devienne la norme. Ainsi, la mission propose de conforter le rôle des PCME en généralisant les bonnes pratiques qui leur permettent de disposer des compétences et des moyens nécessaires pour assumer leurs responsabilités (recommandation n°31). De plus, afin de renforcer la lisibilité du co-pilotage médical et administratif de l’établissement auprès de la communauté hospitalière, il est proposé de consolider la pratique des co-signatures par le directeur et le PCME, sur des décisions conjointes, telles que les désignations individuelles de praticiens à des postes de responsabilité, les contrats de pôles et les modifications de structure des services médicaux et médico-techniques (recommandation n°3). Enfin, une rémunération spécifique valoriserait la responsabilité capitale des PCME dans la gouvernance (recommandation n°11).
– Dans les orientations stratégiques de l’établissement comme dans son fonctionnement quotidien, ressort également le sentiment d’une nette coupure entre le « top management » médico-administratif de l’hôpital (formé par le binôme directeur – PCME et l’ensemble de la gouvernance) et les acteurs de terrain, en cohérence avec le besoin de reconnaissance du service. Les soignants s’estiment ainsi peu associés aux décisions prises, qu’ils jugent souvent peu en phase avec la réalité de leur quotidien, et peuvent être critiques face aux désignations des responsables médicaux dont la légitimité est parfois contestée. Cela rend nécessaire une clarification de la procédure de sélection des responsables médicaux (recommandation n°21). Les professionnels sont également fortement en demande d’une amélioration des circuits de décision et d’information. Au sein de chaque établissement, celle-ci doit pouvoir se décliner dans un projet de management et de gouvernance, obligatoirement intégré au projet d’établissement (recommandation n°1). Il paraît alors indispensable de veiller à l’existence de bonnes pratiques de communication, transparentes, efficaces et directes, favorisant la participation de l’ensemble des professionnels. Enfin, la mise en place d’une cellule de gestion de projet s’appuyant sur une sélection transparente et une contractualisation interne, associant les services supports permettrait de remobiliser les professionnels porteurs d’initiatives et de réduire les délais d’instruction et de décision (recommandation n°13).
– La mission a également pu constater que les instances de gouvernance attirent peu les professionnels de terrain, et que ces derniers sont peu au fait de leur fonctionnement. En particulier, la commission médicale d’établissement (CME) peine souvent à mobiliser les praticiens et à donner de la lisibilité à ses actions. Pour donner plus de poids aux membres de la CME et en revaloriser la place dans la gouvernance, la mission propose de renforcer son rôle dans l’élaboration du projet médical (recommandation n°7), et, pour les sujets relevant d’un avis simple de la CME, de les étendre notamment au plan pluriannuel d’investissement, à l’Etat Prévisionnel des Recettes et des Dépenses (EPRD), aux nominations de praticiens et aux désignations des chefs de service et de pôle et de leurs adjoints, et d’en déterminer une procédure d’instruction (recommandation n°10). Le fonctionnement du Directoire apparaît également méconnu par les professionnels de terrain. Son rôle de concertation médico-administrative doit être conforté avec l’objectif d’aboutir à un consensus, son ancrage avec le terrain conforté en favorisant la possibilité pour les pôles et les services de proposer des sujets, et en leur communiquant systématiquement un relevé de décisions (recommandation n°6).
– Les praticiens exerçant des responsabilités managériales se sont dits insuffisamment formés et outillés au regard de leurs missions, leur formation initiale ne les préparant pas suffisamment à cet exercice. La mission propose alors d’établir un parcours managérial pour les responsables médicaux, assurant leur formation, leur valorisation, leur suivi et leur montée en compétences (recommandation n°33), en lien avec le Centre national de gestion (CNG).
– Malgré un outillage juridique ancien, les délégations de gestion aux pôles et aux services sont jugées insuffisamment pratiquées, en particulier en ce qui concerne les ressources humaines et les dépenses courantes. Un engagement fort dans la démarche de délégation aux pôles et aux services (recommandation n°19) est donc nécessaire. Concrétisée par un contrat de pôle, dont le suivi donnerait lieu à une conférence de pôle annuelle, coprésidée par le président de CME et le directeur et associant le trio de pôle et les chefs de service et cadres supérieurs, cette démarche devrait également être appuyée par la désignation de directeurs référents de pôle, facilitant sa réalisation effective.
– La mission a investigué de façon approfondie le retentissement des dysfonctionnements hospitaliers sur le quotidien des soignants. Il en ressort que la lourdeur des procédures, le poids de l’absentéisme, de la recherche de lits et de structures d’aval ainsi que l’absence de réponses de la « hiérarchie » sont cités parmi les irritants majeurs. Les contraintes liées à la pression financière sont également fréquemment mentionnées. La simplification des règles de la commande publique (recommandation n°54) faciliterait le quotidien des professionnels. Pour alléger le quotidien des soignants, la gestion des ressources humaines paramédicales devrait être facilitée, en particulier les remplacements et le maintien des effectifs. Les services support et les services de soins devraient contractualiser pour des liens renforcés et plus de réactivité, et le temps médical devrait être recentré sur le coeur de métier clinique via l’allègement des tâches administratives.
– Pour sanctuariser le financement de la recherche, il paraît capital de garantir la bonne utilisation des enveloppes spécifiques (maladies rares, centres de référence) et de clarifier la valorisation financière des points SIGAPS (Système d'Interrogation, de Gestion et d'Analyse des Publications Scientifiques).
–  Enfin, la mission estime qu’il est indispensable de revisiter les échelons régional et territorial dans une logique de subsidiarité qui redonne un pouvoir d’initiative aux territoires, tout en renforçant l’implication des élus et des usagers. Cela doit se traduire par une autonomie accrue des agences régionales de santé (ARS) pour la déclinaison régionale des orientations nationales, en lien avec la région, collectivité territoriale, et par la simplification du régime des autorisations de soins (recommandation n°47). Cela passe également par une revalorisation de l’échelon territorial qui doit devenir celui au sein duquel la démocratie en santé est à l’oeuvre pour créer des synergies entre acteurs au service d’une responsabilité populationnelle. La mission propose enfin de recentrer les groupements hospitaliers de territoire (GHT) sur leurs missions d’organisation territoriale de soins en simplifiant leur mode de gouvernance (recommandation n°37).
– Pour alléger les procédures à l’échelle nationale, la mission propose de simplifier et d’harmoniser les procédures de certification, notamment en laissant le choix de l’organisme certificateur et des thèmes évalués à chaque établissement (recommandation n°50). Elle propose également de décentraliser les autorisations de protocoles de coopération au niveau régional (recommandation n°51).

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