Recherche : des psychotropes protecteurs du Covid-19 ?

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Une étude menée sur certains médicaments largement prescrits en psychiatrie met en évidence des mécanismes d’action communs à ces psychotropes qui contribueraient à empêcher la pénétration du virus dans la cellule et pourraient ainsi avoir un rôle « protecteur » contre la Covid-19.

La pandémie de COVID-19 a largement touché le monde entier. Les hôpitaux ont mis en place des unités COVID pour isoler et prendre en charge ces patients ; elles ont été rapidement débordées. Paradoxalement, dans les services de psychiatrie, où elles ont été ouvertes pour prendre en charge les personnes atteintes de maladies mentales et présentant une infection par la COVID-19, ces unités sont restées relativement vides, laissant entrevoir que les malades suivis en psychiatrie pourraient être « protégés » de l’infection et/ou du développement de la maladie. 

Dans une étude publiée dans Drug Discovery Today (1), des équipes françaises de chercheurs et de cliniciens issus de l’Inserm, de l’AP-HP, de l’Université de Lille, de l’Université de Paris, de l’Université Paris-Est Créteil et de la Fondation FondaMental ont émis l’hypothèse que certains médicaments largement prescrits en psychiatrie pouvaient avoir un rôle « protecteur » contre l’infection à la COVID-19. 

Pour ce faire, les équipes ont établi la liste des médicaments les plus prescrits à ces patients et recensé ceux qui avaient une activité antivirale. Ils ont également recherché les mécanismes qui pouvaient expliquer cette activité antivirale comme par exemple une action sur la pénétration du virus dans la cellule et/ou une modulation du trafic intracellulaire, et/ou une interaction avec des récepteurs spécifiques importants pour le développement et la multiplication du virus… Enfin, ils ont réalisé in silico une analyse chimio-informatique sur les similitudes de leur structure chimique et comparé ces psychotropes à des médicaments ayant une activité antivirale identifiés dans plusieurs bases de données. 

Dr Bruno Villoutreix directeur de recherche à l’Inserm explique que « Les études in silico ont permis de mettre en évidence des mécanismes d’action communs à ces psychotropes qui contribueraient à empêcher la pénétration du virus dans la cellule. Nous disposerions ainsi de médicaments déjà connus, utilisables à large échelle et pouvant potentiellement permettre une prévention de la maladie dans la population générale. »  
Cette observation est d’autant plus importante qu’à ce jour, il n’existe aucun traitement préventif. Le Pr Philippe Beaune, toxicologue à l’Inserm, précise que « des travaux sont actuellement réalisés in vitro pour pouvoir sélectionner les meilleures molécules en vue de la réalisation d’études cliniques de prévention contre l’infection chez l’Homme. »
Pour le Pr Marion Leboyer, directrice de la Fondation FondaMental, « ces résultats, réalisés à partir d’une observation inattendue qui a été la relative moins grande fréquence d’infection par la Covid chez des patients porteurs de maladies mentales, constituent une avancée inédite. Il nous reste du chemin à faire mais si ces données sont confirmées, elles pourraient permettre de repositionner des médicaments déjà développés dans le domaine clé de la prévention de l’infection par le Covid-19 ».

Communiqué Fondation Fondamental, 26 juin 2020.
1– Prevention of COVID-19 by drug repurposing: rationale from drugs prescribed for mental disorders. Bruno Villoutreix, Philippe Beaune, Ryad Tamouza, Rajogapal Krishnamoorthy, Marion Leboyer, Drug Discovery Today, 2020 June.