S'intéressant notamment à l'impact de l'épidémie pour les personnes âgées en Ehpad et à domicile, l'observatoire national Covid-19 piloté par l'Espace éthique de la région île-de-France souligne dans son dernier rapport hebdomadaire la montée de l'anxiété, chez les professionnels, les familles et les résidents. Des pistes d'actions concrètes sont proposées.
Au plan des considérations générales, le rapport relève « une certaine impréparation et un défaut d’accompagnement opérationnel » par les autorités et relève une évolution rapide de la situation. Au début de la semaine du 9 mars, des animations, des activités, des visites étaient encore possibles dans les établissements et les services. L’interdiction des visites est entrée en vigueur le 12 mars. Des établissements ont vu apparaître les premiers cas les 14 et 15 mars. Même si certaines régions semblent pour l’instant être relativement épargnées, le nombre de patients et de résidents infectés augmente. Un certain nombre de soignants, médecins, personnels d’encadrement sont eux-mêmes contaminés. Certains établissements et services se préparent à avoir beaucoup de décès au même moment.
Un sentiment « d’absence de maîtrise » est exprimé par certaines équipes, par exemple sur la façon dont le Samu prendra ou non en compte leurs demandes. Il existe aussi un sentiment de non-dit sur les choix importants faits par les autorités et par les équipes hospitalières.
Concernant les résidents, l'observatoire rapporte que « parmi ceux ayant des troubles cognitifs, certains sont habitués à vivre dans un espace assez réduit : ils se rendent compte que les choses ne se passent pas comme le reste du temps, mais n’ont pas l’air trop perturbés et continuent de mener leur vie comme d’habitude. D’autres personnes vivent mal la situation. D’ordinaire, leur journée est ritualisée, elles peuvent circuler dans l’établissement. » «La privation relationnelle (ne plus recevoir les visites et l’aide de ses proches) est difficile à compenser. » Certains cadres encouragent les équipes à passer du temps relationnel dans les chambres, mais ce n’est pas toujours dans les habitudes de travail. Il est suggéré de prescrire « des perfusions de présence » à jour et à heure fixes, notamment pour les résidents particulièrement à risque d’un point de vue psychologique
Côté familles, si l'interdiction de visite a été plus ou moins bien acceptée au départ, la multiplication des contaminations en établissement alimente l'inquiétude. D'autant plus que les moyens pour maintenir le contact entre les résidents et leurs proches du type Skype ou WhatsApp ne sont pas toujours au rendez-vous.
Côté professionnels, on constate aussi une anxiété grandissante face à la contagiosité : peur de contaminer les résidents, peur de « rapporter le virus à la maison »… Cette inquiétude est renforcée quand l’encadrement (direction, cadres de santé, médecin coordinateur) ne tiennent pas le même langage sur les attitudes à adopter. Par ailleurs, l’impossibilité pour les familles de se rendre dans les établissements occasionne une surcharge de travail importante.
Par ailleurs, les impacts de la pandémie désorganisent également la prise en charge à domicile. « Des auxiliaires de vie font valoir leur droit de retrait et certaines associations d'aide et de soins à domicile ont mis en place le chômage partiel », souligne l'observatoire. Un certain nombres de missions sont maintenues par téléphone mais « les échanges virtuels ne suffisent pas complètement pour remonter le moral ».
Le rapport aborde enfin le sujet de l'accompagnement de la vie de vie et du décès. Contrairement aux valeurs qui sont ordinairement celles des établissements, les familles ne peuvent pas entrer pour accompagner les derniers jours de la personne, même si certains établissements ont fait des exceptions. Une réflexion est également menée sur la manière de parler aux familles.
Ce groupe se réunira chaque semaine pour étudier l'évolution des problématiques éthiques
- Observatoire Covid-19 Ethique et société, Ehpad et domicile, Espace éthique Ile de France, réunion n°1, 11 mars, voir le document complet en pdf, réunion n°2, 17 mars, en pdf