Des conditions désastreuses pour les étudiants infirmiers durant la crise sanitaire

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Au cours de la crise sanitaire, les étudiants en soins infirmiers (ESI) et étudiants infirmiers de pratiques avancées (EIPA) ont été la filière des étudiants en santé la plus mobilisée, selon une enquête de la Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers (Fnesi),  qui estime à 81 000 le nombre d'étudiants engagés auprès des patients en soutien aux professionnels de santé. La fédération dénonce les conditions souvent désastreuses de leur mobilisation.

Pendant plus de trois mois, 85,2% des étudiants en soins infirmiers et en pratique avancée se sont mobilisés au plus fort de la crise sanitaire dans les établissements de santé, soit environ 81 000 étudiants engagés auprès des patients pour assurer la continuité des soins en soutien aux professionnels de santé, selon les résultats détaillés publiés par la Fnesi. L'enquête a été réalisée via la diffusion d'un questionnaire sur une plateforme spécialisée dans la réalisation d'enquêtes en épidémiologie et en santé du 14 mai au 21 juin. Elle a recueilli 15 235 réponses exploitables et 4 301 témoignages. Ces réponses émanent de la totalité des 326 instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi) et de 22 des 30 universités françaises proposant à ce jour une formation d'infirmier en pratique avancée (IPA).

Selon la Fnesi, en plus des conditions compliquées de mobilisation communes avec les professionnels de santé, les étudiants en sciences infirmières ont dû affronter des difficultés supplémentaires : restriction de matériel, obligation de mobilisation, rémunération dérisoire et rupture de la continuité pédagogique.

Sur les 95 000 ESI et EIPA, ce sont 68,5% d’entre eux·elles qui ont été impliqués sous couvert d’un stage, 9,3% sous forme de vacations, 7,7% rappelés par leur employeur et 14,5% restés confiné·e·s chez eux·elles. Plus d’un quart ont été mobilisé en unités Covid, services de réanimation, soins intensifs ou d’urgences et près d’un tiersa été impliqué en EHPAD, « les plaçant au plus proche du risque de contamination ».

Malgré cette forte mobilisation, la Fnesi rappelle que le cadrage des modalités d'implication de ces étudiants a été publié « trop tardivement », proche de la fermeture des Ifsi. 34,3% des étudiants disent avoir été réquisitionnés alors même qu'aucune mesure préfectorale n'avait été prise en ce sens. « Ce pourcentage est révélateur de la pression psychologique vécue par les étudiants dont l'engagement auprès des patients a fait l'objet de chantage de la part des responsables d'établissement », pointe la Fnesi en s'appuyant sur les témoignages de l'enquête. 40 000 étudiants ont en outre subi un allongement ou une modification de leur période de stage dont la moitié est due à des besoins personnels. Par ailleurs, parmi ceux considérés comme personnes « à risque », 60,3% ont été contraints d'aller en stage, malgré les risques accrus de contamination. Plus largement, cette enquête met en lumière l'état de santé négligé des étudiants en soins infirmiers, notamment au plan de la santé psychique (manque d'encadrement, pas de tutuers dans de nombreux cas, accès difficile aux médecins…) .

Par ailleurs, environ 5% des étudiants en stage ont été placés sur des postes d'infirmiers, affirme la Fnesi, « soit près de 4 800 étudiants en situation d'exercice illégal de la profession ».

La fédération demande notamment aux ministères respectivement en charge de l'Enseignement supérieur et de la Santé la rédaction d'une feuille de route d'implication des étudiants en santé en situation de crise sanitaire. C'est enfin la rémunération des étudiants qui est en cause : la Fnesi estime que la valorisation est insuffisante et l'engagement non reconnu. Par ailleurs, en lien avec son enquête annuelle sur les frais de scolarité, elle demande, entre autres, la revalorisation des indemnités de stage et la création d'une indemnité spécifique pour les futurs IPA.

L'intégralité des revendications de la Fnesi
– Rédaction par le Ministère des Solidarités et de la Santé d’une feuille de route d’implication des étudiant·e·s en santé entemps de crise sanitaire;
– Valorisation des tuteur·rice·s de stage: garantir une formation par l’Université, aménagement du temps de travail et valorisation salariale à 300€ net/mois ;
– Accorder une voix décisionnaireaux ESI & EIPA au sein des instances de gouvernancede l'hôpital public ;
– Mise en place d’une plateforme nationale d’évaluation systématique des stages;
– Investissement massif dans le Centre National d’Appui ;
– Inscription par voie réglementaire du prêt et entretien gratuit des tenues professionnelles par les établissements d’accueilen stage ;
– Accès homogène aux services de santé universitaires;
– Garantir une offre de soins auprès de chaque ESI & EIPA par le biais de la création de Centres de Soins Universitaires accessibles à tou·te·s. ;
– Refonte du référentiel de formation en soins infirmiers;
– Accès gratuit et la mise à disposition de contenus pédagogiques sur l’UNESSpour tou·te·s les ESI & EIPA ;
– Accès aux formations numériques de l’université à tou·te·s les formateur·rice·s d’IFSI ;
– Amorcer la réingénierie de la formation des cadres de santé;
– Attribuer 50% des postes d’enseignant·e·s universitaires créés aux Sciences Infirmières ;
– Revalorisation des indemnités de stage pour les ESI à hauteur de 15% du plafond horaire de la sécurité sociale ;
– Création d’indemnités de stage pour les EIPA à hauteur de15% du plafond horaire de la sécurité sociale ;
– Transfert de la gestion financière des BFSS des Régions vers les Crous ;
– Accès à des aides financièrespour l’achat d’outils ou d’équipements numériques ;
– Octroyer le même nombre de semaines de congés universitaires aux étudiant·e·s en promotion professionnelleque les autres ESI & EIPA en formation initiale.

Enquête Crise du covid-19 : pas de retour “à la normale”, Fnesi, dossier de presse, 24 août 2020, en pdf.