Des chercheurs montrent que nos choix sont souvent irrationnels

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Les décisions de tous les jours, y compris en économie, ne sont pas uniquement guidées par la connaissance et la logique. Bien au contraire, une part d’irrationnel intervient dans les choix de chacun, issue des expériences antérieures. Ainsi, comme le montre une équipe Inserm, un individu ne fera pas toujours le choix financier le plus avantageux pour lui : il pourra opter pour une solution alternative, bénéfique par le passé.

« Les choix économiques ne sont pas toujours rationnels, car ils dépendent de la valeur attribuée à un bien au cours d’expériences passées », clarifie Stefano Palminteri, responsable d’une équipe Inserm au laboratoire de Neurosciences cognitives et computationnelles, à l’Ecole normale supérieure de Paris. Avec ses collaborateurs, le chercheur vient en effet de montrer que nous ne faisons pas toujours le choix le plus avantageux pour nous, en préférant éventuellement une option qui a semblé bénéfique par le passé.

Pour cela, les chercheurs ont soumis des volontaires à différentes expériences. Pour commencer, un programme informatique leur proposait des combinaisons de symboles auxquelles étaient attribuées des valeurs monétaires. Les participants devaient choisir des combinaisons parmi celles proposées, sachant qu'ils repartaient avec la somme d’argent qu’ils avaient réussi à collecter au cours de ces tests. A force, les participants avaient une idée de la valeur de chaque symbole. Ensuite, le programme proposait de choisir parmi des symboles pour obtenir la valeur maximale. Les auteurs ont alors constaté que les individus se reposaient plus sur la valeur du symbole dans son contexte que sur sa valeur absolue. Ainsi, un symbole associé à un petit gain pouvait être préféré à un autre symbole de valeur plus élevée, mais moins valorisé au cours des précédentes expériences. Un symbole était donc retenu comme plutôt "gagnant" ou plutôt "perdant" selon le contexte dans lequel il avait été rencontré, indépendamment de sa valeur réelle.

« Nous pouvons comparer ce choix partiellement irrationnel à celui d’une personne qui évalue son repas, illustre Stefano Palminteri. Si elle est affamée et vraiment en recherche de nourriture, elle pourra considérer qu’un aliment de qualité moyenne sera excellent. A l’inverse, un plat délicieux mais consommé dans un contexte de satiété et de manque d’appétit sera peut-être vu comme indigeste. Par la suite, dans une situation plus neutre, la personne évoquera probablement une préférence envers le premier plat au regard de ses expériences passées. »

Ces travaux de psychologie comportementale permettent de mieux comprendre les processus de décision et pourraient même peut être avoir une application en médecine. « Nous allons maintenant regarder si les choix de personnes dépendantes à l’alcool ou encore au tabac sont soumises aux mêmes règles de décisions. La part irrationnelle des choix de consommation ou de rechute est peut-être supérieure à celle de la population générale, avec des distorsions plus importantes liées à des expériences passées. Si c’est le cas, nous pourrions alors envisager des interventions de type thérapie cognitivo-comportementale pour remédier à ces anomalies et replacer le patient dans un contexte plus rationnel : le bénéfice du sevrage…» , explique Stefano Palminteri. Une autre application pourrait concerner l’intelligence artificielle. Les auteurs s’interrogent notamment sur la pertinence de transposer cette composante irrationnelle des choix dans certains algorithmes décisionnels.

  • Source : S Bavard et coll. Reference-point centering and range-adaptation enhance human reinforcement learning at the cost of irrational preferences. Nat Communications, édition en ligne du 29 octobre 2018. doi: 10.1038/s41467-018-06781-2