« Dans toute prostituée, il y a une petite fille assassinée »

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Plutôt que de les condamner à une amende pouvant atteindre la somme de 1500 euros, Caroline Nisand, procureure de la République près le TGI d’Evry,  a choisi de convoquer à l’ACJE (Association de contrôle judiciaire de l’Essonne) les contrevenants à la loi du 13 avril 2016, pour une matinée de sensibilisation relative à l’achat d’actes sexuels.

Cinquième pays d’Europe à pénaliser les clients de la prostitution, la France a, par cette loi, en effet, opéré un tournant crucial, en décidant de considérer les prostituées non plus comme des délinquantes mais comme des victimes. Ce changement radical s’est traduit par la suppression du délit de racolage et par l’instauration d’une contravention de 5è classe, constituée par «  le fait de solliciter, d'accepter ou d'obtenir des relations de nature sexuelle d'une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, en échange d'une rémunération, d'une promesse de rémunération, de la fourniture d'un avantage en nature ou de la promesse d'un tel avantage » (Article 611-1 du code pénal). Le stage de sensibilisation est prévu à titre de peine complémentaire. La participation à celui-ci est à la charge financière du condamné.

17  mai 2019, 9h 30. Ils sont huit à avoir reçu, par SMS, un avis à se présenter en ces lieux, et à franchir, ce matin-là,  le seuil des locaux de l’AJCE. Chacun d’entre eux est reçu individuellement puis regagne la salle commune. Ils ont de 25 à 70 ans.  Tous plutôt gênés d’être là.

La matinée commence par la tribune d’une ancienne prostituée, Rosane Ischer, lue par François Roques, directeur de  la structure : «  Au nom de toutes les sans voix je veux vous dire ma colère … » Le climat est lourd. A aucun moment la morale ne s’invitera cependant. La loi est expliquée par les deux animateurs. Les conséquences et la réalité de la prostitution aussi. Responsabiliser : voilà l’objectif de cette session.

Les hommes sont interpellés : Saviez- vous qu’en France

– l’âge moyen d’entrée dans la prostitution est de 14 ans

– il y a entre 6 à 10 000 mineur(e)s sur les 35 000 prostitué(e)s

– L’espérance de vie d’un(e) prostitué(e) est de 40 ans en moyenne

– la moyenne est de 30 passes par jour … ?

Après un tel énoncé, est-il encore possible d’affirmer que la prostitution est le plus vieux métier du monde, qu’ainsi va le monde et qu’on ne le changera pas ? Aucun des stagiaires ne répond.

A la question posée : «  Qui exploite les prostituées ? »,  il est avancé, évidemment, le terme de proxénète. Celui de passeur est également prononcé. L’un des hommes murmure un  « Nous ». Silence.   

Aujourd’hui, nos enfants savent qu’acheter un acte sexuel est interdit. Cela  représente une avancée pour l’égalité entre les sexes- étant  rappelé que 86 % de prostitué(e)s sont des femmes- et un grand pas pour le respect de la dignité humaine.

Fin de séance. Dernière séquence avec cette phrase en guise de conclusion :

Tout client de la prostitution participe à un système de domination et d’exploitation qu’il ne peut, à l’issue de ce stage ignorer.

Source : Communiqué de presse, Ministère de la justice, 28 mai 2019