Changer l’hôpital !

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En février 2018, Philippe Denormandie Praticien Hospitalier, et Jérémie Secher, Directeur de Centre Hospitalier, ont réuni des représentants de l’ensemble des acteurs hospitaliers, médecins, soignants, directeurs et hauts fonctionnaires (le groupe des 26), afin de proposer des orientations nécessaires pour répondre au malaise de l’hôpital public.

Dépassant les constats largement partagés au sein du groupe et au-delà, l’objectif a été de savoir comment remettre le soin au cœur de l’hôpital public, à la fois en réduisant la complexité administrative pour préserver le temps soignant et redonner du sens aux professionnels. Par ailleurs, l’enjeu a été de définir les modalités d’association du patient tant individuellement, au cours de sa prise en charge, que collectivement, à la gouvernance stratégique et opérationnelle des établissements de santé.

En parallèle des politiques publiques qui ont transformé l’hôpital public ces dernières décennies, les attentes des professionnels de santé ont évolué, imposant une véritable réflexion autour de la qualité de vie et du sens donné à leur travail. Ces transformations majeures expliquent la situation complexe de l’hôpital public.
– La perte de sens, face à leur mission, rejoignant l’enjeu du manque de temps et de la dégradation perçue des conditions de travail.
– La transformation générationnelle : le personnel hospitalier n’aspire plus au même quotidien (rapport au temps, engagement professionnel, séparation entre vie personnelle et vie professionnelle, etc.).
– L’évolution des comportements et des attentes des patients vis-à- vis des professionnels et la défiance croissante vis-à-vis de l’expertise font évoluer la relation soignant–soigné, mais aussi le rapport aux établissements de santé.
– La transformation numérique : le digital fait évoluer les métiers et la communication, notamment à travers le recours à l’intelligence artificielle et les réseaux sociaux, la robotique et la télémédecine qui changent les pratiques.
– La répartition du temps : les professionnels de santé se plaignent massivement du manque de temps pour effectuer leur travail correctement, les tâches administratives occupant une part croissante de leurs journées.
– La perte d’attractivité des carrières publiques hospitalières, en lien avec cette perte de sens et le manque de reconnaissance, et plus spécifiquement l’évolution des modes d’exercice pour les médecins qui pourrait conduire à revoir le statut avec l’objectif de mieux valoriser chaque professionnel.
– Le risque de perte d’attractivité de la France sur la recherche clinique et l’innovation, qui se traduit notamment par sa moins bonne capacité à attirer et fidéliser les meilleurs chercheurs. En 15 ans, notre pays est passé du 5 au 7ème rang mondial en termes de production scientifique 5. La mondialisation de la recherche réinterroge la capacité des établissements à fidéliser les meilleurs talents. Or, les soins de demain dépendent de la recherche d’aujourd’hui.
 
Par ailleurs, les évolutions sociétales et sociologiques imposent de repenser le rôle et l’implication des patients dans l’organisation de notre système desanté.
– L’association des patients à la décision médicale : les patients sont aujourd’hui plus informés, plus exigeants et dans un rapport nouveau au système de santé.
– Le rôle des associations de patients, et au-delà des différents niveaux de représentation des usagers («patient-citoyen»), dont la place dans le système de santé et dans la gouvernance des établissements doit évoluer.
– La responsabilité populationnelle des établissements : il s’agit d’articuler le patient qui est au cœur du système, avec les besoins de l’ensemble de la populati on qui est à prendre en charge
sur un territoire. L’objectif est alors de coordonner l’offre de services en fonction d’unepopulation donnée, plutôt qu’en fonction des individus qui consomment les services.
– L’organisation en santé est extrêmement complexe et cloisonnée à l’échelle du territoire. Notre système de santé fonctionne en silo entre la médecine de ville et l’hôpital, entre hôpital public et hôpital privé, entre le sanitaire, le médico-social et le social, dans un contexte sensible de l’offre ambulatoire.

Ainsi, le « Groupe des 26 » identifie 7 axes de réflexion :

  • Imaginer un nouveau contrat avec les patients, en réinventant leur place au sein des instances de décision et dans leur prise en charge, ainsi qu’en facilitant leur accès aux acteurs de santé.
  • Réinventer les relations entre professionnels, en menant une réflexion sur le management et le travail en équipe.
  • Redonner du temps aux professionnels, en vue de simplifier les conditions d’exercice et de permettre une véritable synchronisation.
  • Restaurer la confiance entre les professionnels, en accompagnant chaque professionnel dans son parcours, mais aussi en structurant, au niveau local, territorial et national, un dispositif de détection et gestion des conflits, en amont de la médiation.
  • Faire de l’hôpital un leader de la recherche et de l’innovation en Europe, en développant le niveau territorial et en favorisant un accès permanent de l’hôpital à l’innovation thérapeutique et organisationnelle.
  • Renforcer la représentation des médecins, des soignants et des patients dans la gouvernance interne des établissements, et sortir du primat des logiques d’économie dans le fonctionnement des établissements, pour construire une vision de soin partagée.
  • Définir une gouvernance en santé de territoire, souple et stratégique, impliquant l’ensemble des acteurs de santé, les professionnels publics ou privés, les élus et les représentants des patients.

Le « Groupe des 26 » suggère que ces préconisations soient mise en œuvre dans le cadre d’expérimentations territoriales, afin de conserver un cadre souple, adaptable aux réalités locales, et pérenne dès lors que l’évaluation confirme leur efficacité.

Rapport du Groupe des 26 sur l’avenir de l’hôpital