Les directeurs d’hôpitaux surexposés aux risques psychosociaux

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Le Syndicat des Manageurs Publics de Santé (SMPS), syndicat majoritaire des directeurs d’hôpital, a toujours fait des conditions d’exercice des cadres de direction une priorité essentielle. Il est convaincu que, sans un management motivé et bien dans son exercice professionnel, le service public de santé ne peut relever les défis à venir. Après une première enquête sur l’ensemble des directeurs et cadres des établissements publics de santé en 2011, le SMPS a mené, du 3 au 11 novembre 2014, une enquête avec l’IFOP sur la qualité de vie au travail chez 1 028 directeurs de la fonction publique hospitalière.

Les directeurs surexposés
L’enquête met en évidence la tension et la charge de travail auxquelles font face les manageurs hospitaliers :
– 88% des directeurs ayant participé à l’enquête déclarent vivre régulièrement des situations stressantes au travail ;
– 56% sont régulièrement confrontés à des situations de tensions fortes, voire de conflits, avec d’autres acteurs de la communauté hospitalière ;
– 79% travaillent régulièrement plus de 50 heures par semaine.
L’analyse globale des résultats de l’enquête démontre ainsi que l’environnement professionnel des directeurs de la fonction publique hospitalière s’est dégradé, révélant une situation propice à l’émergence de risques psycho-sociaux. Alors même que les résultats en matière de reconnaissance et de moyens alloués sont nuancés, ils varient selon que les relations concernent le management interne à l’équipe de direction ou le dialogue entre l’Etat et les chefs d’établissements :
– 67% de l’ensemble des répondants trouvent que les moyens alloués sont compatibles avec les objectifs fixés, pour seulement 57 % des chefs d’établissements ;
– 57% des chefs d’établissement considèrent recevoir des injonctions ou instructions contradictoires entre elles ;
– Seuls 62% des chefs d’établissement se sentent soutenus par leurs évaluateurs, lorsqu’ils sont 76% de l’ensemble des directeurs ayant répondu à l’enquête à ressentir un tel soutien ;
– 85% des directeurs estiment évoluer dans un climat de considération et de respect au sein de leur établissement et 86% partagent ce jugement vis-à-vis de leurs interlocuteurs institutionnels ;
– 80% des répondants estiment que, de manière générale, leur travail est reconnu comme utile et de qualité ;
– Toutefois, près d’un directeur sur deux (46%) déclarent ne recevoir que rarement ou jamais des
marques de reconnaissance pour leur travail.
 

La disparité des vécus et des conditions de travail
On remarque en outre une forte disparité des vécus et des conditions de travail selon que l’on exerce dans un centre hospitalier universitaire, un centre hospitalier ou un établissement social ou médico-social. Ainsi, seuls les directeurs exerçant en CHU estiment avoir suffisamment de marges de manoeuvre pour atteindre leurs objectifs.
La situation des directeurs exerçant dans les centres hospitaliers est plus contrastée. Ils sont ainsi une majorité (54%) à déclarer faire face à des injonctions ou instructions contradictoires (contre 27% en CHU et 41% en établissements social et médico-social), et seulement la moitié (50%) estime avoir les marges de manoeuvre nécessaires à l’atteinte de leurs objectifs.
Ils sont par ailleurs ceux qui reçoivent le moins de marque de reconnaissance pour leur travail : 62% déclarent en recevoir rarement ou jamais.
Les manageurs des établissements sociaux et médico-sociaux sont quant à eux 59% à éprouver des marges de manoeuvre trop limitées et seule une courte majorité (54%) d’entre eux se sentent soutenus par leurs évaluateurs ou personnes qui fixent des objectifs.
Ces deux populations sont de surcroît les plus exposées aux risques psycho-sociaux : plus de 95% déclarent rencontrer régulièrement des situations stressantes au travail (contre 72% pour les directeurs en CHU).

La nécessité d’actions pragmatiques
Ces résultats confirment l’analyse du SMPS qui interpelle les pouvoirs publics sur la situation actuelle des directeurs de la fonction publique hospitalière. Il existe une dégradation des conditions d’exercice dont il est urgent de se préoccuper.
Dans ce contexte, le SMPS déconseille dorénavant aux collègues directeurs d’hôpital de postuler sur un poste de chef d’établissement dans ces situations caractérisées par des conditions d’exercice particulièrement dégradées, avant tout retour à la normale. Cela implique des mesures d’exception de la part des pouvoirs publics.
Les solutions doivent prendre en compte les spécificités des métiers car le vécu d’un directeur d’hôpital, d’un directeur des soins ou d’un directeur d’établissement sanitaire, social et médico-social n’est pas le même.
Le SMPS demande la mise en place d’un soutien obligatoire du Centre National de Gestion des directeurs hospitaliers et de l’Agence Régionale de Santé aux directeurs en situation de management isolé ou difficile.
Les métiers de direction dans la fonction publique hospitalière sont passionnants et difficiles. Mais il y a une différence fondamentale face à la difficulté : soit on est seul à l’affronter, soit chacun, aux niveaux, national, régional, local, joue son rôle. Le SMPS réclame un véritable soutien de l’Etat à ceux qui ont choisi de gérer les établissements publics.
Un rééquilibrage et une clarification des rôles est indispensable car la situation de surcharge et de stress des directeurs ne peut être décorrélée du manque de marges de manoeuvre.
Le SMPS plaide pour un partenariat équilibré entre les Agences Régionales de Santé et les établissements permettant aux directeurs de disposer de l’autonomie nécessaire à l’exercice de leur fonction de définition des parcours de soins et des prises en charge.
Début 2015, le SMPS initiera une troisième enquête auprès des cadres et ingénieurs afin de compléter son analyse et disposer d’une vision globale de l’évolution des risques psycho-sociaux depuis 2011.