Soins sous contrainte, informer le tiers demandeur

FacebookTwitterLinkedInEmail

Après l’admission d’un patient en soins sous contrainte à la demande d’un tiers, quel est le rôle de ce proche ? Acteur essentiel du déclenchement de la prise en charge, cet interlocuteur doit être informé de ses droits et obligations.

Une décision récente de la Cour de cassation est l’occasion de faire le point sur la situation du tiers à l’origine de la demande de soins sous contrainte (Cour de cassation (1), 24 février 2016, arrêt n° 185, n° 15-11.427).

Le tiers demandeur, un acteur essentiel

Depuis 1838 et la procédure dite du « placement volontaire », il est possible en France de solliciter l’hospitalisation d’une personne proche lorsqu’on estime qu’elle n’est plus en état de consentir aux soins en raison de ses troubles mentaux et qu’elle a besoin de soins immédiats assortis d’une surveillance médicale (article L. 3212-1 du Code de la santé publique [CSP]). Sauf en cas d’urgence (article L. 3212-3 du CSP), le tiers demandeur doit fournir à l’appui de sa demande deux certificats médicaux concordants et faire la preuve de son identité préalablement à l’admission du patient (article L. 3212-2 du CSP). Juridiquement, ce n’est pas le tiers qui « autorise » le personnel soignant à user de la contrainte à l’égard du patient, mais le directeur de l’établissement. À ce titre, il serait sans doute judicieux de qualifier ce type de prise en charge de « soins à la demande du directeur d’établissement sur sollicitation d’un tiers » au lieu de « soins à la demande d’un tiers (SDT) ». Ce changement d’appellation présenterait l’avantage de clarifier de nombreuses situations.
Le tiers demandeur est un acteur essentiel au déclenchement de la prise en charge, mais, une fois la procédure engagée, son statut devient plus complexe. Afin d’éviter toute ambiguïté, il importe qu’au moment de l’admission, le directeur de l’établissement de santé (ou une personne ayant reçu une délégation de signature) prenne le temps d’informer le tiers de ses droits et obligations. Pour être efficace, cet échange doit avoir lieu au moment de la rédaction manuscrite de la demande d’hospitalisation, dans laquelle le tiers déclare agir dans l’intérêt du malade et avoir avec lui des « relations antérieures à la demande de soins ». C’est notamment l’occasion de lui indiquer que le patient peut demander à connaître son identité et que celle-ci lui sera révélée au moment d’un éventuel passage devant le juge des libertés et de la détention (JLD). Sur ce point, il importe de faire part au tiers demandeur de sa possibilité de saisir le juge judiciaire s’il estime que la mesure dont il est à l’origine n’est plus justifiée (art. L. 3211-12 du CSP). L’établissement doit aussi l’avertir qu’il sera systématiquement informé préalablement de toute autorisation de sortie non accompagnée du patient (L. 3211-11-1 du CSP). Cette disposition législative est une obligation instaurée afin de réduire le risque d’incident, en particulier de rencontres inopinées lors des sorties de moins de 48 heures. Il est essentiel de définir avec le tiers demandeur les modalités pratiques de délivrance de cette information, dès le début de la prise en charge. On peut parfaitement imaginer l’avertir par courrier, mail voire texto. L’établissement doit être en mesure d’apporter la preuve qu’il a accompli avec diligence cette obligation légale. Le mode d’information ne peut être imposé au tiers.

Protéger l’intérêt de la personne vulnérable

Une des informations les plus importantes à délivrer au tiers est inscrite à l’article L. 3212-9 du CSP. Il s’agit de la possibilité pour ce proche du patient de demander à tout moment au directeur de lever la mesure de contrainte. Cette demande n’a d’ailleurs pas à être motivée. Avant d’y accéder, le directeur est dans l’obligation de solliciter l’avis d’un psychiatre de l’établissement. Cette disposition législative permet de s’opposer à une demande trop inopportune qui placerait le patient en situation de péril imminent. L’avis obligatoire d’un psychiatre est une formalité substantielle qui vise à protéger l’intérêt de la personne vulnérable.
Dans la présente affaire, une patiente avait été hospitalisée à la demande d’un tiers. Quelque temps plus tard, le tiers a formulé une demande de levée. Estimant que la fin prématurée de la mesure de contrainte exposerait le patient à un péril imminent, l’autorité administrative a refusé d’y accéder en motivant sa décision sur la base d’un certificat médical circonstancié. La Cour de cassation a rappelé que cette « décision » du directeur ne modifiait pas la prise en charge et qu’il n’était pas indispensable de saisir le JLD afin qu’il en confirme la légalité. Pour le dire autrement, avant le refus du directeur, la patiente était en hospitalisation complète, après elle le reste. Il n’y a donc aucun changement de sa situation juridique. Par contre, il est possible pour le patient ou le tiers de formuler une requête auprès du JLD s’ils estiment que le refus du directeur est illégal. Il s’agira alors d’user du droit de contestation classique des décisions individuelles prises par l’administration à l’encontre des patients contraints (article L. 3211-12 du CSP).

Éric Péchillon, Maître de conférences, Université de Rennes 1

1- L’auteur présente cet arrêt sur son blog : http://ericpechillon.blogspot.fr/

Pack ISOLEMENT ET CONTENTION

N° 210 Isolement et contention « en dernier recours »
N° 222 Pour restreindre l'isolement et la contention
N° 260 Isolement et contention : faire autrement ?
N° 286 Comment éviter isolement et contention ?

Plus d’informations