Soins sans consentement : une révision de la loi déposée à l’Assemblée nationale

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Le groupe socialiste républicain et citoyen a déposé le 3 juillet à l'Assemblée nationale une proposition de loi relative aux soins sans consentement (n°1223), dans le prolongement du rapport d'étape de la Mission Santé mentale et avenir de la psychiatrie de la Commission des affaires sociales (1).

Le texte s’attache d'une part à apporter les améliorations d’ordre législatif requises par la décision du Conseil constitutionnel du 20 avril 2012 (invalidation de deux articles de la loi du 5 juillet 2011) et d'autre part à modifier certains aspects ayant fait l’objet « d’un large assentiment » parmi les personnes auditionnées par la mission dirigée par le député Denys Robiliard. La proposition de loi est en effet nourrie des travaux, auditions et visites sur le terrain menés par les parlementaires depuis décembre 2012. Il est d'ailleurs précisé dans l'exposé des motifs de la proposition que la mission « ne voulant pas réduire les problématiques de la psychiatrie aux soins sans consentement, prolonge ses travaux sur les autres enjeux de la psychiatrie, parallèlement au dépôt de la présente proposition de loi. »

Mise en conformité constitutionnelle
En premier lieu, il est proposé de ne plus donner de statut légal aux Unités pour malades difficiles (UMD). Actuellement, le Code de la santé publique (CSP) prévoit aujourd’hui qu’elles accueillent « les personnes faisant l’objet de soins psychiatriques sous la forme d’une hospitalisation complète » lorsqu’elles présentent pour autrui un danger tel que les soins, la surveillance et les mesures de sûreté nécessaires ne peuvent être mis en œuvre que dans une unité spécifique. Les députés estiment qu’il n’y a pas lieu « de légiférer à propos d’un tel service de soins intensifs qu’il n’est légiféré à propos, par exemple, d’un service de réanimation». Cette proposition va de pair avec la suppression du régime spécifique de levée par le représentant de l’Etat ou de mainlevée par le juge des mesures de soins sans consentement dont font l’objet les personnes séjournant ou ayant séjourné en UMD.
En revanche, concernant les personnes pénalement irresponsables, les députés proposent de maintenir un régime juridique spécifique de sorte que, « quand des actes d’une particulière gravité ont été commis, la sortie d’hospitalisation ne puisse intervenir qu’après une étude approfondie de la situation psychiatrique de l’intéressé ». Les députés proposent également de reprendre à un niveau législatif la garantie des droits des irresponsables pénaux et de préciser le régime actuel leur étant applicable, qui ne distingue pas en fonction de la gravité des faits commis. Ils entendent également appliquer les dispositions de levée des soins sans consentement prévues pour les irresponsables pénaux uniquement pour les personnes ayant commis des faits encourant des peines d'un certain niveau d'emprisonnement (peines encourues sont d’au moins cinq ans d’emprisonnement s’agissant des atteintes à la personne et de dix ans d’emprisonnement s’agissant des atteintes aux biens).

Améliorer les modalités de prises en charge
Dans ce contexte, la proposition de loi reprend des mesures annoncés dans le rapport d'étape de la mission. Elle réintroduit tout d'abord la possibilité de sorties de courte durée supprimée par la loi de 2011. En effet, là où la loi de 1990 avait prévu un dispositif de « sorties d’essai », la loi de 2011 ne permet plus que des sorties accompagnées pour une durée maximale de 12 heures.
Par ailleurs, un article de la proposition de loi modifie le Code le la santé publique, de sorte qu’un détenu puisse être hospitalisé en Unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA) sous le régime de l’hospitalisation libre. « Un détenu atteint de troubles psychiatriques qui consent à ses soins doit en effet pouvoir être pris en charge en hospitalisation complète», soulignent les députés.
Le texte proposé entend aussi réviser le contrôle judiciaire des soins sous contrainte. Ils proposent de ramener le délai du contrôle de quinze jours à dix jours en précisant que le Juge des libertés et de la détention (JLD) doit être saisi dans les six jours suivant l’admission du patient, par le représentant  de l’État dans le département ou par le directeur de l’établissement d’accueil du patient. Il supprime en conséquence la production du « certificat médical de huit jours » destiné au JLD.
Un article de la proposition de loi prévoit par ailleurs que le JLD statue dans « une salle d’audience attribuée au ministère de la Justice située sur l’emprise de l’établissement de santé où est pris en charge le patient ou d’un autre  établissement de santé» . Lorsque l'on ne pourra pas disposer d'une telle salle « assurant la clarté, la sécurité et la sincérité des débats ainsi que l’accès du public » le juge statuera alors au siège du Tribunal de grande instance (TGI). De plus, l’emploi de la visioconférence ne devra être utilisé qu’en cas d’impossibilité de procéder autrement.
Concernant la publicité de l'audience, les députés soulignent sa nécessité, s’agissant notamment d’un contrôle établi dans l’intérêt de la protection de la liberté individuelle dont le juge est le gardien constitutionnel.  Les députés rappellent également que si l’assistance d'un avocat est actuellement prévue par la loi, l’obligation de cette assistance n’était pas fixée dans les textes et cette proposition de loi y remédier.

Calendrier
La proposition doit être examinée par la Commission des affaires sociales de l’Assemblée le 17 juillet et discutée dans l’hémicycle le 25 juillet.

Parallèlement à ce dépôt la mission poursuit ses travaux

 

(1) Voir nos précédentes actus sur le sujet :

le 24/06, Voir les auditions de la mission d'information sur la santé mentale et l'avenir de la psychiatrie.

le 25/06, La DGOS auditionnée par la Mission Santé mentale et avenir de la psychiatrie

le 29/05, Rapport d'étape relatif aux soins sans consentement,

 

Proposition de loi relative aux soins sans consentement en psychiatrie, n° 1223, enregistré à l'Assemblée nationale le 3 juillet 2013.