Etudiants en soins infirmiers : la formation est violente !

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« Combien de fois encore devrais-je ravaler mes larmes et mettre ma dignité dans ma poche? Combien de nuits d’insomnie et de journées passées avec la boule au ventre m’attendent encore? J’ai 30 ans, je suis en troisième année et je suis épuisée par la violence qui nous est infligée. »

Ce témoignage d'une étudiante en soins infirmiers provient d'une enquête (1) réalisée par la Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers (Fnesi), qui dénonce la violence vécue en stage par les étudiants mais également dans les Instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi). Cette fédération réclame de faire entendre la voix des étudiants et réclame une réforme de la gouvernance des Ifsi sur le modèle universitaire.

En stage les types de violences décrites par étudiants se déclinent en 3 niveaux dépendants de l’implication et du volontarisme des équipes :

– Défaut d’encadrement sur le lieu de stage : la majorité des violences (39%) sont qualifiées de «défaut d’encadrement» par les étudiants. Les témoignages décrivent une forme de violence passive : l’impression d’être de trop dans le lieu de stage, une charge de plus pour des équipes déjà débordées. les professionnels ne prennent par conséquent pas le temps d’encadrer les étudiants et de s’engager dans une réelle démarche pédagogique vis-à-vis du développement de leurs compétences.
– Jugement et rejet : «Jugement de valeur» (30%) ; «Difficultés d’intégration» (27%) ; «Rejet de la part de l’encadrement» (24%) correspondent à des actions vécues comme volontaires par l’étudiant pour l’isoler de l’équipe.
– Harcèlement : 7% des étudiants disent avoir connu une situation de harcèlement. Certains témoignages font écho à la violence de ces situations. « Demain, mon D.E en poche je rêve d’intenter, pour le principe, une action devant le tribunal administratif pour harcèlement moral envers le terrain de stage qui m’a fait tant souffrir et qui a été la cause de tous mes maux, où des étudiants continuent à se faire briser impunément. Pour l’étudiant avant moi qui s’est fait briser et qui a interrompu sa formation. Pour rendre justice. Je sais que je ne ferai rien, car aujourd’hui j’ai peur d’être confronté face à ces gens, tellement le traumatisme est profond, et le fait de perdre ou que cela ne soit pas reconnu me replongera dans ce sentiment d’injustice. »

Au cours de leur formation, ce sentiment de violence peut en effet avoir de dramatiques conséquences dans la vie des étudiants, la plus directe étant l’arrêt de formation et l’abandon de la profession. Selon l'enquête, 41% des étudiants pensent «parfois» et «régulièrement» à arrêter leur formation.

Les stages ne sont pourtant pas la seule composante de la formation des étudiants en soins infirmiers : la vie et les cours à l’IFSI représentent 50% du temps consacré aux études. Les répondants sont 45,62% à décrire la formation comme violente dans leur relation à l’équipe encadrante de l’Ifsi. Parmi les étudiants ayant déjà pensé à arrêter leur formation, 21% l’auraient fait en raison de «pressions à l’IFSI» et 14% en lien avec des «difficultés pédagogiques».

Les étudiants sont par ailleurs 39,61% à dire ne pas pouvoir s’exprimer librement dans leur Ifsi et 39,90% à penser que le fonctionnement de leur IFSI n’est pas démocratique.

Dans ce contexte, la Fnesi estime qu'une réforme de la gouvernance sur un modèle universitaire permettrait aux étudiants de devenir réellement acteurs/trices de leur formation en agissant sur l’ensemble du fonctionnement de leur institut dans une véritable logique d’empowerment de la profession. Cette volonté d’une réelle démocratie étudiante est portée par la FNESI depuis de nombreuses années.

C'est dans ce contexte que la Direction générale de l'offre de soins (DGOS) publie une instruction relative aux stages de formation (2). Ce texte de huit pages est adressé, notamment, aux agences régionales de santé (ARS) chargées de le diffuser auprès des instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi).

La DGOS indique que, suite à la réforme des études de 2009, un bilan « a identifié des améliorations à apporter au niveau des stages afin de garantir la professionnalisation des futurs infirmiers et de veiller à l’équité entre les étudiants dans leur parcours de stage et dans l’acquisition et l’évaluation des compétences en situation professionnelle. » Un groupe de travail regroupant des représentants d’instituts de formation, d’étudiants, d’associations et de syndicats professionnels et des conseillers pédagogiques d’Agences Régionales de Santé a ensuite pu proposer des modifications de l’arrêté du 31 juillet 2009 relatif au diplôme d’Etat d’infirmier : le portfolio a été revu et simplifié, les conditions d’évaluation et de validation des stages ont été précisées.

Cette instruction s'accompagne d'un guide de recommandations destiné aux directeurs des instituts de formation. Il stipule que cette politique des stages vise "à favoriser l’attractivité des futurs professionnels pour le territoire de santé et pour les structures d’accueil en stage". Elle doit permettre de "garantir l’équité entre étudiants, en passant d’une logique de gestion par institut de formation en soins infirmiers (Ifsi) à une logique de mutualisation, de partage et de coopération au sein d’un territoire".

Au niveau de chaque établissement, la circulaire détaille les lignes de conduite à suivre. Chaque structure de santé accueillant des étudiants en soins infirmiers doit élaborer, dans le cadre de son projet de soins ou de son projet d’établissement, "une politique de stage permettant aux étudiants de bénéficier d’un parcours professionnalisant". Celle-ci doit se construire en partenariat avec les instituts de formation. La charte d’encadrement doit être intégrée au projet d’établissement ; évaluée et réajustée selon la même périodicité que ce dernier. La DGOS juge souhaitable qu'un même modèle de livret d’accueil et d’encadrement soit diffusé dans chaque établissement. La circulaire recommande également de prévoir la formation des tuteurs dans le plan de formation de l'établissement. Des tuteurs qui sont désignés par le coordonnateur général des soins sur proposition des cadres de santé. Ils sont proposés sur la base du volontariat après une concertation en équipe de soins, au sein d’un pôle. "Ils bénéficient d’une formation au tutorat visant à l’acquisition de compétences spécifiques, stipule l'instruction. La fonction tutorale est valorisée lors de l’entretien annuel d’évaluation."

(1) Enquête réalisée en ligne entre le 17 novembre et le 12 décembre, 3282 réponses ont été prises en compte.

(2) Instruction N°DGOS/RH1/2014/369 du 24/12/2014 relative aux stages en formation infirmière