Pratiques avancées infirmières : l’Ordre dénonce un projet de décret « sans ambition, hors sol et éloigné de la réalité »

FacebookTwitterLinkedInEmail

Consulté le 16 mai à propos des projets de textes organisant la fonction d'Infirmier de pratiques avancées (IPA), le Haut-Conseil des professions paramédicales (HCPP) a rendu un avis défavorable à une large majorité de voix. Dans une déclaration liminaire, Patrick Chamboredon, président de l'Ordre national infirmier (ONI), dénonce « un recul progressif des textes » qui ont conduit à un projet « sans ambition, hors sol et éloigné de la réalité » dans une vision « rétrograde, passéiste et pusillance du système de santé ».

Voici l'intégralité de sa déclaration :

« Nous voici presque à l’aboutissement du long processus de définition de l’exercice en pratique avancée, principal sujet de notre séance d’aujourd’hui.

Rappelons-nous, le lancement politique a été le Plan cancer III (2014-2019) au sein duquel l’Action 4.1 était ainsi formulée : « Créer le métier d’infirmier clinicien et le déployer prioritairement dans le champ de la cancérologie. Définir un nouveau profil professionnel coopérant avec le médecin traitant, avec l’équipe référente et avec les autres professionnels de santé, hospitaliers ou de proximité. »

Rappelons-nous, l’exposé des motifs de l’article 30 du projet de loi de santé déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 15 octobre 2015 : « la détermination du périmètre d’exercice des auxiliaires médicaux strictement délimité par des décrets d’actes apparaît rigide et cloisonné au regard des nouveaux enjeux. Fort de cette critique, l’exercice en pratique avancée d’un auxiliaire médical devra se définir par des missions. » Un peu plus loin : « Ce sont des praticiens de premier recours qui coordonnent des parcours de santé, aux côtés des médecins. » Et encore : « Le champ des consultations apparaît aussi comme un domaine où, pour répondre à des situations bien circonscrites, des pratiques se développent, avec des responsabilités limitées en termes de prescriptions et des décisions encadrées par une supervision médicale. » A l’époque le mot « consultation » n’était pas tabou…

Alors, il faut remercier Mme Agnès BUZYN qui, de la Présidence de l’INCA au 7ème étage de l’avenue Duquesne, a voulu cette réforme importante. Il faut remercier la DGOS qui n’a pas ménagé ses efforts de concertation. Saluer aussi l’Ordre des médecins qui, dans la première phase d’élaboration des textes, a montré des signes d’ouverture.

Mais, il faut aussi déplorer le recul progressif des textes auquel nous avons assisté et que nous ne pouvons que constater aujourd’hui par rapport aux intentions premières.

Ce recul nous l’avons constaté avec un certain effarement dès lors que la machine corporatiste de certains acteurs du monde médical s’est emballée. Le repli des esprits derrière les citadelles corporatistes a été visible dans le vocabulaire. On n’a plus voulu entendre parler de « consultation » et rechercher des paraphrases compliquées. On a voulu du « protocole » en veux- tu en voilà pour corseter l’autonomie jugée dangereuse. Derrière tout cela qu’y a-t-il ? Les besoins de soins et de prise en charge de 10 millions de malades chroniques ? L’amélioration du suivi et de l’observance des traitements au long cours ? Le souci de la coordination ville-hôpital si défectueuse aujourd’hui ? Bien sûr que NON, il y a la crainte (infondée évidemment) de la perte de revenus et il y a la défense d’une rente. Et un aveuglement de certains qui il y a encore quelques jours disaient vouloir simplement une secrétaire pour les décharger des tâches administratives… Voilà la réalité !

On le sait déjà, parce que c’est ainsi que cela se passe aujourd’hui pour les infirmiers, les IPA feront tout de même des consultations et les IPA n’agiront pas dans le cadre de protocoles parce que ces protocoles ne seront pas écritspar les médecins ni par personne d’autre. L’encre du décret sera à peine sèche que déjà il ne sera pas respecté. Pour faire plaisir aux lobbys on crée donc des textes fictifs qui ne sont pas en phase avec la réalité des besoins des patients.

Les amendements qu’il faudrait apporter à ce texte sont connus car les acteurs de la concertation ont largement eu l’occasion de les présenter à la DGOS qui n’en a pas tenu compte. Les positions des représentants des infirmiers et des étudiants se sont clairement et publiquement exprimées. A cet égard, saluons la belle unité de nos organisations. La préparation de ces textes aura eu au moins cette vertu de renforcer notre solidarité et notre communauté de vision.

Notre position est connue. C’est pour cela qu’il y a finalement peu d’intérêt dans le cadre de ce HCPP de défendre des amendements à ce texte sans ambition, hors sol et si éloigné de la réalité des besoins du système de santé. Il y a surtout aujourd’hui à marquer solennellement notre opposition à une vision rétrograde, passéiste et pusillanime de notre système de santé. »