Exposition : L’Internationale des Visionnaires

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Du 29 avril au 5 novembre 2017, la Coopérative – Collection Cérès Franco (1)  présente l’exposition « l’Internationale des Visionnaires » à Montolieu où Jean-Hubert Martin, commissaire de l’exposition, a choisi au sein de la collection Cérès Franco près de deux cent quatre-vingts œuvres complétées par plusieurs pièces provenant de la collection Daniel Cordier.

Clin d’oeil facétieux au chant révolutionnaire, le titre de l’exposition rappelle le caractère cosmopolite et éclectique de cette collection constituée par Cérès Franco. En effet, lorsque la collectionneuse brésilienne ouvre sa galerie L’Oeil de Boeuf à Paris en 1972, c’est dans un climat de guerre froide que la capitale voit affluer des artistes chassés par les régimes communistes ou les dictatures. Venus d’Europe, d’Asie ou bien encore d’Amérique latine, ils trouvent alors à Paris un lieu où pouvoir s’exprimer en toute liberté. « La galerie de L’OEil de Boeuf était une ruche où se mêlaient des artistes du monde entier. Cérès Franco en était la reine, écrit Jean-Hubert Martin. Des peintres d’origines les plus diverses se retrouvaient là autour de cette infatigable animatrice d’un havre de liberté créative. Là s’élaboraient les idées neuves et audacieuses sur une peinture qui s’attachait à représenter l’homme, ses plaisirs, ses tourments et ses violences. »

Le regard avant toute chose

Partant du principe que le regard a trop longtemps été délaissé au profit de la connaissance historique, jusqu’à oublier les oeuvres elles-mêmes, cette exposition privilégie une approche plus vagabonde, invitant le visiteur à mettre son sens de l’observation en éveil et à se poser la question suivante : « Que voit-on ? ». Avec une méthode qui s’apparente à celle d’un jeu de dominos ou à la structure d’une comptine, l’accrochage se présente comme une longue suite où chaque oeuvre dépend de la précédente et annonce la suivante, par un jeu d’affinités thématiques ou formelles. De petits ensembles monographiques (Chaïbia, Roman Cieslewicz, Manuel Mendive Hoyo…) viendront ponctuer l’exposition. Eloignée d’un ordonnancement muséal classique, cette logique associative et décloisonnante, où les sujets s’enchaînent sans obéir à des critères historiques, se rapprocherait plutôt de celle d’une collection privée, où époques et genres se mêlent bien volontiers, reflet d’un goût pluriel et évolutif. Ici, nul besoin de connaissances en histoire de l’art ; cette exposition, où se côtoient sans hiérarchie, artistes célèbres et parfaits inconnus, se veut ouverte à tous et repose avant tout sur les oeuvres et le regard actif de qui veut bien se prêter au jeu des différences et des ressemblances.

Des oeuvres et des objets de curiosité provenant de la donation Daniel Cordier, galeriste et collectionneur, en dépôt depuis 1999 aux Abattoirs de Toulouse, viendront compléter l’accrochage. Des peintures de Dado, Combas, Chaissac, Schröder Sonnenstern, ou encore des poupées de Nedjar entreront ainsi en résonance avec les oeuvres de la collection de Cérès Franco. Ce prêt permet aussi d’établir des rapprochements intéressants entre ces deux collections désormais implantées sur le territoire régional.

Vidéo de l'exposition

La Coopérative – Collection Cérès Franco, 5 route d'Alzonne, 11170 Montolieu – Contact : info@collectionceresfranco.com

Cérès Franco quitte le Brésil à l’âge de 22 ans pour étudier l’histoire de l’art à l’université de Columbia et à la New School de New York. Pour compléter sa formation, elle part ensuite pour l’Europe et décide en 1951 de s’installer définitivement à Paris, où elle collabore comme critique d’art pour les journaux de son pays. En 1962, elle organise sa première exposition de peinture, intitulée L’OEil de Boeuf, rue de Seine à Paris, pour laquelle elle demande à des artistes de réaliser des formats ovales ou ronds ; un nom qu’elle donnera aussi à sa galerie et aux différentes manifestations qu’elle concevra par la suite.

En 1963, sous le patronage de Jean Cocteau, elle réalise une grande exposition de sculptures dans le bois de Boulogne, Formes et magie. Parmi les nombreux artistes exposés, on retrouve Germaine Richier, Henri Laurens, César, Etienne Martin, Picasso, Jean Arp et Max Ernst…

Au Brésil, c’est une sélection d’artistes résidants à Paris qu’elle présente au Musée d’art moderne de Rio de Janeiro en 1965 et 1966. Dans ce même musée, elle organise également, pour la première fois au Brésil, les expositions monographiques d’Alain Jacquet et de Martin Barré.

En 1972, elle explore à nouveau les terres brésiliennes à la recherche d’oeuvres issues de la culture vernaculaire. Elle est en effet chargée par le gouvernement du Brésil de sélectionner des artistes pour la Triennale d’art naïf de Bratislava. La section brésilienne recevra le prix de la meilleure sélection nationale. En1972 également, elle ouvre sa propre galerie qu’elle nomme tout naturellement L’OEil de Boeuf. C’est donc depuis la rue Quincampoix à Paris, que pendant vingt-cinq ans, grâce à de très nombreuses expositions et en participant à des foires internationales (dont la FIAC), qu’elle soutient des artistes anticonformistes comme Marcel Pouget, Jean Rustin, Michel Macréau, Jacques Grinberg, Corneille, Abraham Hadad, Oleg Tselkov ou Paella Chimicos. Hors modes, et s’opposant au minimalisme pictural alors en vogue à Paris, elle ira à la rencontre des peintres issus de la Nouvelle Figuration mais aussi vers des autodidactes et des naïfs.

Sous l’oeil bienveillant de Jean Dubuffet, elle a montré plusieurs peintres qualifiés à l’époque d’artistes bruts : Stani Nitkowski, Jaber, Chaïbia, Christine Sefolosha… Certaines expositions l’ont positionnée politiquement contre la dictature militaire au Brésil, comme celle de Gontran Netto en 1972. D’autres se présentant sous la forme de dialogues picturaux autour d’oeuvres classiques, comme « Suzanne au bain » du Tintoret, ont invité les visiteurs à une réflexion générale sur l’art, à en interroger ses contours.

Parallèlement à son activité de galeriste, et pendant plus de cinquante ans, Cérès Franco a rassemblé une collection audacieuse, à la fois éclectique et cohérente, de plus de 1300 oeuvres. Cérès Franco est membre de l’Association internationale des critiques d’art (AICA) depuis 1964 et chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres depuis 1975.